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Les salafistes ont appelé à voter Macron

Fatwas salafistes et élections présidentielles en France

Début mai, surgissait dans plusieurs médias la dénonciation du recours aux fatwas (1) d’un cheikh intégriste saoudien pour appeler les musulmans de France à voter Macron. Il s’agit de Mohammad ibn Salih ibn Uthaymin, appelé couramment Uthaymin, une personnalité religieuse de premier plan en Arabie Saoudite, ce jusqu’à sa mort en 2001. On pourrait s’en réjouir croyant ce cheikh s’étant rallié au jeu de la démocratie.
Et pourtant !

Voter dans les pays « mécréants« , chez nous pour eux, peut-être licite à certaines conditions

Quand, il prononça sa fatwa, Uthaymin affirma tout d’abord illicite le vote des musulmans dans nos pays de « mécréants », pour reprendre son expression. Néanmoins, passant outre à son premier interdit, il appelait ses coreligionnaires à voter si l’un des candidats menaçait les musulmans. Il évoquait le risque de l’expulsion ou des prohibitions en matière religieuse. Voter, était alors, selon lui, un moindre mal.

Empêcher le Front National d’accéder au pouvoir

En France, s’appuyant sur son raisonnement, des imams intégristes dits salafistes ont appelé à voter Macron au cours de leur prêche du vendredi. Ils invoquaient la « nécessité » d’empêcher le Front National et Marine Le Pen d’accéder au pouvoir au nom de la théorie « du moindre mal ».

Uthaymin, un inspirateur de Ben Laden

Le recours aux fatwas d’Uthaymin sent pourtant le soufre. Oussama Ben Laden, faut-il savoir, en a utilisé certaines pour justifier sa « guerre sainte » contre l’Occident. On m’opposera qu’Uthaymin n’est pas responsable de la récupération de ses fatwas par des tiers. Vrai, mais pour être reprises par des terroristes, encore faut-il qu’elles se prêtent à leur idéologie et à leurs desseins.

Sur ce plan, l’une de ses conférences nous apparaît particulièrement néfaste.
Elle a été prononcée en octobre 1994 à la mosquée d’
Oneiza en Arabie Saoudite. Sous l’intitulé « L’interdiction de tuer des femmes et des enfants à la guerre » (2) , il est dit : « S’ils (nos ennemis) nous l’ont fait, s’ils ont tué nos enfants et nos femmes, pouvons-nous tuer les leurs ? » L’avis prononcé fait frémir. « Il apparaît qu’il nous est permis de tuer leurs femmes et leurs enfants, même si cela nous cause un préjudice nous empêchant de les réduire en esclavage. Car, les réduire en esclavage diminuerait nos chances de briser le cœur de nos ennemis, de les affaiblir et de les rabaisser. Ceci plus généralement en raison des admonestations d’Allah  quand il dit : « Usez de réciprocité à l’égard de quiconque marque de l’hostilité contre vous (2) »

Interprétation toxique du Coran…

Uthaymin parlait en intégriste qui interprète le Coran de manière littéraliste. Un musulman sensé lui répondrait : « À vous écouter, si nos ennemis pratiquent le cannibalisme sur leurs prisonniers, nous en serions réduits à pratiquer de même à leur égard. On ne répond pas à l’horreur par l’horreur. Le Coran interdit le meurtre des non-combattants ». C’est, savons-nous, l’opinion de la majorité des musulmans et des uléma.

Que des imams exerçant en France s’appuient sur un cheikh saoudien estimant la pratique de l’esclavage une affaire normale, nous semble atterrant. Que les pouvoirs publics de notre pays ne réagissent pas nous semble encore plus inquiétant.

Mais un train peut en cacher un autre. Parmi les noms d’imams coupables à nos yeux de recourir aux fatwas d’Uthaymin, figure le nom de Noureddine Aoussat. Là, surprise, nous le connaissons en effet pour la modération de ses propos et son appel à l’intégration des musulmans dans la République.

Uthaymin a dit « wajib« 

montage photo d'Aoussat et Uthaymin, polèmique à propos du vote en France

L’image de présentation de la vidéo de « Raton Obscur« , « Uthaymin a dit wajib« .

Faisant une recherche, nous découvrons sur Internet une vidéo (3) sous le titre « Uthaymin a dit wajib ». La photo de présentation est un montage associant les visages du Saoudien et d’Aoussat. Cependant, quand on écoute le texte, si on entend des extraits en arabe d’Uthaymin, la partie en français est dite par un francophone anonyme qui critique un prêche d’Aoussat. Pire, cet anonyme tient un discours salafiste de refus de notre pays.

Cette vidéo a servi à certains journalistes pour incriminer Aoussat. En fait, il a été monté par une personne se donnant le nom de « Raton Obscur ». Sous ce pseudo d’un goût douteux, et en toute liberté remarque-t-on, elle multiplie les commentaires salafistes les plus agressifs et anti-occidentaux sur Internet.

Décidément, le métier de journaliste n’est plus ce qu’il était quand des professionnels se font piéger aussi facilement par des amateurs. De plus, laisser prospérer sur Internet des prédicateurs vénéneux relève, de la part des autorités, de l’inconscience la plus coupable.  On a le sentiment que les attentats ne leur ont rien appris.

 

Notes

  • (1) Une fatwa, chez les sunnites, est un avis juridirico-religieux émis par un « savant » en matière religieuse ou « alem » (ouléma au pluriel).
  • (2) Il s’agit d’un passage du verset 194 de la sourate II du Coran. Nous utilisons la traduction du cheikh Si Boubakeur Hamza.
  • (3) Sur Youtube.