Depuis le début du mois de février, plus particulièrement depuis le 19, le régime syrien bombarde intensivement la Ghouta orientale.
Des ONG accusent le régime syrien et la Russie de crimes de guerres
Amnesty International dit dans un bulletin daté du 20 février : « L’État syrien, avec l’appui de la Russie, prend pour cible intentionnellement sa propre population en Ghouta orientale. Ces personnes, déjà cruellement assiégées depuis six ans, sont désormais prises quotidiennement sous le feu d’attaques délibérées qui les tuent et les mutilent et qui constituent manifestement des crimes de guerre ».
Où est passé l’accord de désescalade dont faisait partie la Ghouta?
Pourtant, le 22 juillet 2017, à la suite d’un accord passé entre la Russie, la Turquie et l’Iran, des « zones de désescalade » étaient proclamées en Syrie. Parmi elles, en tête de liste, figurait la Ghouta orientale. Dans ces « zones de désescalade » les trois pays se promettaient d’instituer des cessez-le-feu, une sorte de cohabitation en attendant des négociations.
Certes, dans la Ghouta orientale, une grosse partie des combattants sont des salafistes. Le nier revient à tomber dans le piège du régime en prêtant aux pays occidentaux le rôle de protecteurs occultes des structures islamistes.
Cependant, n’en déplaise à quelques excités aux vues simplistes, qui dit islamiste ne dit pas terroriste. Un islamiste veut l’application de la loi islamique. Il devient terroriste quand il prend des civils pour cible. Comme Al-Qaïda et Daech (L’État islamique). Si je réfute l’islamisme, je suis pourtant obligé de reconnaître le droit à l’expression de ses militants. Comme je l’ai toujours fait pour les communistes.
Néanmoins, c’est d’abord à la distinction entre les combattants et les civils qu’il faut s’efforcer. Par principe. Mais aussi, dirai-je, par calcul, parce que, comme nous allons le voir, les civils sont le véritable enjeu de cette guerre.
Quels sont les enjeux de cette offensive ?
Le régime, à travers une démarche de la Russie, s’est dévoilé le 22 février. Il a offert aux combattants de la Ghouta orientale de les évacuer vers la région d’Idlib. Comme l’a dit Sergueï Lavrov, l’habile ministre des Affaires étrangères russes, « à la manière dont l’évacuation des combattants et de leurs familles avait été organisée à Alep-est », en décembre 2016. Il s’exprimait au cours d’une conférence de presse à Belgrade, |
Le scénario d’Alep se répète
On a vu. Lâchés dans les campagnes de la province d’Idlib, les civils se sont retrouvés sous la pluie et dans le froid. Quand ils n’avaient personne pour les abriter, les maisons étant déjà bondées, ils ont couché dehors avec parfois des bébés en bas âge. Pire, pour manger, ils ont dû accepter la charité des Turcs.
A Alep, en revanche, dans les quartiers qu’ils avaient abandonnés, d’autres s’installaient. Des fidèles du régime et même des Iraniens. Être parti de cette ville a signifié perdre à jamais les quelques biens que l’on y possède, parfois la maison de famille où l’on est né.
Il s’agit bien d’un nettoyage ethnique
Finalement, comprend-on, en offrant aux combattants de l’opposition et à la population de quitter une ville, les Russes et les responsables du régime effectuent un transfert de population. En Bosnie, on appelait cela un « nettoyage ethnique ».
Pourquoi, direz-vous, les civils ne sont-ils pas restés à Alep-est ? Simplement parce que toute personne ayant vécu dans les zones tenues par les opposants armés est considérée comme complice de ces derniers par le régime. Elle le sait, elle risque de finir en prison sous la torture. A cela s’ajoute la haine contre les ordonnateurs des bombardements : le clan de Bachar Al-Assad, les chefs de l’armée et des services de renseignement.
400 000 civils menacés
Encore, à Alep-est, ne s’agissait-il que de trente à quarante mille personnes évacuées sur une province voisine. Cette fois, 400 000 civils sont concernés, pour un déplacement de 350 km à travers des zones tenues par des milices indisciplinées.
Mais pour quelle finalité ? Ces réfugiés iraient s’entasser dans la province d’Idlib déjà prise d’assaut par des centaines de milliers de déplacés. De plus, cette zone est elle même soumise aux attaques du régime. On la sait même menaçant de devenir la prochaine cible des gouvernementaux après la chute de la Ghouta orientale. En clair, pour cette population martyre, Idlib ne serait qu’une étape vers la Turquie et, soyez en sûrs, vers l’Europe. Nos pays sont-ils prêts à recevoir une nouvelle vague de migrants syriens ?
Un cessez-le-feu et puis des élections…
Évitant de réduire ce drame à nos intérêts d’Occidentaux nantis, ramenons-le aux simples droits d’un peuple sur sa terre. Les États-Unis, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la France ont concocté un plan de fin des hostilités qui devrait aboutir à des élections. Très bien, parce qu’il n’y a pas d’autre légitimité possible pour un gouvernement.
Mais qui va voter ? Les millions de réfugiés syriens poussés hors des frontières de leur pays ne disposent pas des papiers nécessaires. En dépit des illusions des pays occidentaux, nombre de ces réfugiés seront privés d’un droit élémentaire, celui de voter. En revanche, les partisans du régime présents en Syrie, voire même des Iraniens aujourd’hui pourvus de papiers syriens, voteront dans le sens voulu par le pouvoir.
Ce serait une mascarade d’élection. Une ré-intronisation de Bachar Al-Assad dans la duplicité dont nous serions responsable par délit de naïveté.
Voilà pourquoi, si j’étais un Syrien habitant la Ghouta orientale, comme la population en a fait le choix, je resterais chez moi. Même si j’étais opposé aux militants islamistes. Parce que ce serait la seule façon de préserver mes droits.
L’Occident parrain d’un nettoyage ethnique?
Pour nous, Occidentaux, la question est simple, devons-nous nous parrainer un nettoyage ethnique croyant préserver notre tranquillité ? Nous serions lâches et cette lâcheté ne nous servirait à rien puisque, dans quelques mois, nous retrouverions les réfugiés de la Ghouta orientale chez nous.
Voilà pourquoi il convient d’obliger les autorités syriennes à cesser ses bombardements et à laisser passer les aides humanitaires nécessaires à la survie de la population. Dans la Ghouta orientale, mais aussi dans les autres zones assiégées de Syrie.