IRAN ET USA : UNE HORLOGERIE DE GUERRE

 

Plusieurs personnes m’ont demandé sur Facebook de faire un résumé de ma conférence du 13 janvier à Troyes sur l’exécution de Qassem Soleimani. Je n’ai pas pu m’en occuper avant. Néanmoins, voilà un texte qui pourra donner une idée de ce que je pense de cet événement à ceux qui sont intéressés.

 

Un drône américain tue Qassem Soleimani en Irak

Le 3 janvier 2020, à la suite d’une attaque ciblée contre son convoi, le général iranien Ghassem Soleimani (Qassem Soleimani) était tué par les Américains à proximité de l’aéroport de Bagdad. Soleimani n’était pas n’importe qui.

Haut responsable des Gardiens de la Révolution, les Pasdaran, il commandait les opérations extérieures de Téhéran de la Force Al-Qods. Al-Qods signifie Jérusalem en arabe, montrant bien la vocation vengeresse de cette unité contre Israël et ses protecteurs, principalement les États-Unis. De plus, reconnu brillant stratège, y compris par ses adversaires, Soleimani a organisé les milices inféodées à son pays en Syrie et en Irak. C’est à ce titre que Donald Trump a ordonné son exécution.

Mais pourquoi maintenant et à côté de Bagdad ?

C’est le résultat d’un processus engagé par les deux camps. Depuis des années, ce jusque dans l’Afrique sub-saharienne, l’Iran cherche à déstabiliser les pays sunnites en poussant au soulèvement les minorités chiites, comme en Arabie Saoudite ou au Yémen. Quand ces minorités n’existent pas, à coups de pétro-dollars, les services iraniens suscitent des conversions au chiisme. Comme au Maghreb, y compris au Maroc, ou au Sahel dans des pays comme le Sénégal. Dans certains États arabes, principalement la Syrie, le Liban et l’Irak, les alliés de Téhéran sont même aujourd’hui dans le pouvoir ou dans sa périphérie immédiate.

Cette situation a mis les responsables politiques arabes en état de panique. Israël en a profité pour s’allier à eux en même temps qu’il pousse Washington à engager le fer contre Téhéran.

Au Liban comme en Irak des manifestations contre l’ingérence iranienne

Des manifestants irakiens fustigent l'ingérence iranienne

« Dehors l’Iran! Bagdad libre! » scandent des manifestants irakiens

Sur ces entrefaites, des émeutes éclatèrent à l’automne dernier au Liban, puis en Iran et en Irak qui, outre les conditions économiques, dénonçaient la politique étrangère invasive du régime iranien et, pour le peuple de ce dernier, sont coût exorbitant. Téhéran et ses alliés répliquèrent en accusant les Américains d’être à l’origine des troubles. En fait, Washington, comme les autres pays occidentaux, n’avait certainement rien fait de plus que de se réjouir des difficultés d’un partenaire retors.

Les milices pro-iraniennes lancent des roquettes contre les base américaines…

À partir de la fin d’octobre, et en deux mois, prenant des airs de revanche si l’on s’en tient au discours des partisans de Téhéran, douze pilonnages de roquettes s’abattaient sur les bases militaires de l’Oncle Sam qui combattent Daech (l’État islamique) en Irak. Puis, le 27 décembre, au cours de l’une de ces attaques, un sous-traitant américain était tué à Kirkouk, dans le nord du pays. Le 29, les États-Unis répliquaient en frappant cinq bases de miliciens irakiens proches du Hezbollah pro-iranien. Se justifiant, Washington accusait ces derniers d’être à l’origine des attaques contre ses bases.

Les pro-Iraniens s’en prennent à l’ambassade américaine à Bagdad

Milices iakiennes, Hezbollah, Assaeb el Haqq attaquent l'ambassade américaine en Irak

Les milices pro-iraniennes causent des dommages à l’ambassade américaine à Bagdad

Alors, le 31, des milliers de manifestants irakiens, mais pro-iraniens, pour la plupart des miliciens, se regroupaient devant l’ambassade des États-Unis à Bagdad. Ils étaient entrés dans la « zone verte », ultra sécurisée, sans être arrêtés par les forces irakiennes qui en assurent la protection. Ils pénétrèrent dans le vestibule de la représentation diplomatique américaine et brûlèrent des installations de sécurité. Les Marines ont dû tirer en l’air, utiliser des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes pour repousser les assaillants.


Cela rappelait un très mauvais souvenir aux États-Unis: celui de la prise d’otages de leur ambassade de Téhéran en 1979 qui dura plus d’un an (photo ci-contre). Pas un Américain n’a oublié cet épisode traumatisant. Les Iraniens et leurs séides auraient dû y penser !

Mais l’élimination de Soleimani refait l’unité de l’Iran

Le 3 janvier, décidée par Trump et pour être réactionnelle, l’exécution de Soleimani n’en est pas moins une erreur stratégique grave de l’exécutif américain. Pour deux raisons. D’une part, en matière de représailles, le coup porté doit être proportionné à l’attaque pour éviter l’escalade. D’autre part, toutes opinions confondues, la victime jouissait d’un prestige inégalé dans la population de son pays parce qu’il flattait l’orgueil national. Aussi, en tuant Soleimani, les États-Unis ont refait, un moment, l’unité iranienne à leurs dépens.

Poutine calme le jeu

Le 7 janvier 2020 Poutine reçoit Assad dans le poste de commandement russe à Damas.

On craignait le pire. Mais la politique internationale a des airs de feuilleton. Peu après la mort de Soleimani, Poutine se déplaça à Damas pour calmer le jeu et interdire une attaque iranienne d’Israël à partir de la Syrie à titre de représailles. Il sait que ce serait la guerre contre l’Occident et, qu’à ce jeu, lui et ses alliés seraient perdants. Quant aux Européens, ils pesèrent de tout leur poids auprès des Américains. La guerre provoquerait l’interruption du flux de pétrole du Golfe d’où provient 40% de leurs approvisionnements.

Mais Téhéran réplique à partir de son sol

Alors, dans la nuit des 7 au 8 janvier, quand pour le principe Téhéran réplique, c’est au minimum. Certes, 22 missiles touchent deux bases US en Irak. Mais ils ne font aucune victime. Les Américains ont été prévenus. Ali Khamenei, le guide, parle « d’une gifle à la face » de ses ennemis. Des deux côtés, on dit que l’adversaire a reculé. Pour sauver la face, on retourne à la guerre des mots. 

Cette fois, la raison l’a emporté. Mais comme une épée de Damoclès, le risque d’une guerre autour du Golfe menace au-dessus de nos têtes. Même si, somme toute, seule la moitié d’un pays la désire vraiment : les faucons de Netanyahou en Israël.

Roman: Sékouana princesse Gauloise, le complot des druides

couverture roman Moi, Sékouana princesse Gauloise

La première de couverture

Pour recevoir le roman, envoyez nous un chèque de 22 € avec votre adresse,    
à Alain Chevalérias, éditions du Tricasse,                                                                           39 rue des Faubourgs, 10130 Marolles-Sous-Lignières

Mettez-vous en bouche avec le premier chapitre :

Nous étions au cœur de l’hiver. Je venais de donner une conférence sur le Moyen-Orient à l’Université de Troyes. Dehors, les branches des arbres dépouillés ressemblaient aux lettres mélangées d’une écriture inconnue. Je reçu la gifle du froid en pleine face quand, à travers mes yeux embués, j’aperçus la silhouette d’un homme s’approchant de moi.

Sous un chapeau aux vastes rebords, il portait une cape sombre. Il s’arrêta à un pas et sa main apparut tenant une feuille de papier pliée en deux. Je vis alors ses lèvres bouger et laisser tomber d’une voix rugueuse :

« Je vous en prie, venez me voir demain à midi à cette adresse… »

Je n’avais pas eu le temps de répondre que le bonhomme avait déjà filé. Je me retrouvais sur le trottoir, me sentant un peu bête avec mon bout de papier entre le pouce et l’index.

L’inconnu avait mis un accent de supplication dans sa demande. Interloqué, sur le billet je lus un nom de rue, la rue de la Cité, et un numéro, le 7.

*
*   *

J’avais d’abord hésité, me demandant face à quel illuminé je pouvais me retrouver. Parfois, on voit des gens étranges dans cette activité de conférencier. Puis je me dis que je n’avais rien à perdre. Avouons-le, la curiosité me titillait.

*
*   *

Dans le quartier de la cathédrale, la rue de la Cité traverse la partie la plus ancienne du vieux Troyes. Les venelles étroites et les maisons à colombages sur deux ou trois étages y rappellent le passé moyenâgeux de cette vieille cité champenoise.

Je m’arrêtai devant une porte au bois délavé par le temps. Dans l’immeuble d’à côté, un salon de thé éclatait de modernité avec ses tables en formica. Franchissant le pas du numéro 7, la bâtisse de mon rendez-vous, j’eus l’impression fugitive de pénétrer dans un ailleurs. En plus insaisissable, la perception ressentie en passant d’un champ en plein soleil à l’ombre oppressante d’une forêt.

J’escaladai des marches fatiguées aux planches disjointes. Me retrouvant tâtonnant dans la pénombre du premier étage, soudain une porte s’ouvrit devant moi. Je sursautai puis reconnus la voix de la personne rencontrée la veille.

J’entrai dans un appartement étroit, encombré de coffres et de malles de cuir. Une odeur de plantes séchées saturait l’atmosphère. Au fond de la pièce, seule source de lumière, pas plus grande qu’une lucarne, une fenêtre laissait entrevoir la cathédrale emprisonnée dans les échafaudages des travaux de réfection.

L’étrange bonhomme gardait son chapeau vissé sur la tête. Sans même me tendre la main, il me fit asseoir à une table placée dans l’éclairage de l’ouverture. Je découvris son visage : sa peau grise parcourue de fines rides, son nez aquilin et ses yeux d’un bleu troublant. Une jeunesse éternelle semblait s’y concentrer quand tout, dans son apparence, dénonçait un homme arrivé à un âge avancé.

Presque inconvenant, un ordinateur trônait sur la table. Remarquant mon regard surpris, mon hôte se crut obligé d’expliquer :

« Il nous sert à commercialiser les plantes médicinales dans notre métier d’herboriste…

Je ne pus retenir ma question :

Qui, nous ?

Appelez-moi Le Transmetteur…

Il parlait lentement, détachant ses syllabes pour mieux se faire comprendre. Sa prononciation ressemblait à celle des villageois de terroirs isolés de Champagne. Elle me rappelait aussi le parler de certains Canadiens des campagnes retirées du Québec.

Il continua :

« J’appartiens à un ordre ancien, un ordre dont notre pays a perdu la mémoire… »

Il se tut quelques secondes, comme pour s’assurer de mon attention. Puis, posant des mains jaunes ivoire sur la table, il poursuivit :

« Notre ancienneté remonte aux Celtes, aux Gaulois si vous préférez… Continuer la lecture

Qui sont les Frères Musulmans? Idéologie et influence

CONFÉRENCE À LONDRES SUR
« LES FRÈRES MUSULMANS »
LE 17 OCTOBRE 2019 –  Traduction de l’intervention en anglais d’Alain CHEVALÉRIAS
ORGANISÉE PAR
«
THE LEVANT NEWS »

Introduction

Merci de votre invitation à partager avec vous mes modestes connaissances sur l’organisation des Frères Musulmans appelés en arabe Al Ikhwan Al Muslimun (ou al Ikhwan al Mouslimoun).

Comme journaliste, mes conclusions sur les Frères Musulmans et les mouvements fondamentalistes qu’ils influencent se nourrissent de mon expérience sur le terrain. Celle-ci va de mes voyages en Afghanistan aux côtés de la Résistance contre l’occupation soviétique dans les années 80 à mes interviews de choc avec Hassan Al-Tourabi, publiées dans un livre. Celle-ci inclut aussi de nombreuses rencontres, en Asie, en Afrique et en Europe avec des responsables des Frères Musulmans et des mouvements fondamentalistes.

Les Frères Musulmans organisation religieuse et militaire

Pendant mon intervention, je veux vous démontrer que les Frères Musulmans, depuis leur création en 1928, ne sont pas seulement une organisation religieuse, pas même seulement une organisation politique, mais aussi une structure militaire.

Leur idéologie…

Avant tout, vous devez comprendre que, parmi d’autres, leur idéologie a deux caractéristiques prédominantes.

Un : leur croyance est basée sur une interprétation de l’islam qui n’est pas l’islam lui-même.
Deux : même s’ils ne l’admettent pas publiquement, la violence et la force sont les principaux moyens dont ils usent pour prendre le pouvoir et le garder.

La manière dont les Frères musulmans présentent l’islam n’est pas l’islam.
Je le prouve. Dans leur profession de foi, écrite par leur créateur Hassan Al-Banna, nous lisons : « La bannière de l’islam doit couvrir tout le genre humain ; un musulman a la mission d’éduquer le monde conformément aux principes de l’islam ».

en Contradiction avec l’esprit du Coran

Dans le verset 48 de la sourate V du Coran, je lis après que le texte a évoqué les chrétiens et les juifs : « … pour chaque groupe humain, Nous (Dieu) avons fixé une loi et une méthode. Si Dieu le voulait, il aurait fait de vous une seule communauté… »

Entre parenthèses, je vous rappelle que, selon la foi musulmane, Dieu a transmis le Coran à Mahomet (Mohammad) par l’intermédiaire de Jibril, un ange pour les musulmans et l’archange Gabriel pour les chrétiens. Dans cette traduction d’un verset du Coran, la contradiction apparaît clairement avec la citation de la profession de foi des Frères musulmans. (En effet, le Coran présente la multiplicité des religions comme le résultat de la volonté de Dieu quand les Frères musulmans veulent tous les hommes soumis à l’islam).

Techniquement parlant, nous pouvons dire que les Frères Musulmans ont fait ce que l’on appelle en arabe un « ijtihad », un « effort d’interprétation » du texte. Néanmoins, à la lecture du texte coranique, j’arrive pour ma part à la conclusion qu’ils ont tort et qu’ils sont sur ce plan en totale contradiction avec l’esprit profond de l’islam.

La force pour prendre et garder le pouvoir

Au nom des principes humains les plus élémentaires, si les Frères Musulmans ont le droit de croire ce qu’ils veulent, ils n’ont cependant pas le droit d’imposer leur croyance et leur mode de vie aux autres par la force. Nous arrivons là à la deuxième caractéristique essentielle de leur idéologie : l’utilisation de la force pour prendre et garder le pouvoir.

Récitant leur déclaration de foi, les Frères Musulmans jurent d’ « accomplir le jihad » au nom de Dieu. Puis-je vous rappeler que le « jihad » n’est pas l’un des cinq piliers de l’islam (les piliers de l’islam sont la profession de foi, la prière, le jeun, la charité (zakat) et le pèlerinage à la Mecque). Pire encore ! Pour les Frères Musulmans, leur « murched al-aam », le guide général, peut déclarer seul le « jihad ». Quand, dans l’Islam, vous avez besoin d’une « fatoua » (un avis juridique) favorable prononcée par le corps des « ouléma » (juriste, docteur de la loi) pour ouvrir le « jihad ».

Ils appellent au jihad…

En d’autres termes, permettant à un individu qui s’est lui-même désigné chef d’une congrégation le droit de lancer le « jihad », je peux dire les Frères Musulmans en totale contradiction avec la « charia » elle-même.

Plus encore : les musulmans ne peuvent entreprendre le « jihad » que si leur religion est en danger, en cas d’agression perpétrée à cette fin par des non-musulmans. Si ce n’est pas le cas, et si par exemple les musulmans partent en guerre pour conquérir des terres, on parle alors d’une guerre classique, ce que l’on appelle « harb » en arabe.

Sur ce plan, l’Histoire récente est précieuse. En Algérie, entre les deux Guerres mondiales, les « ouléma » locaux ont refusé de déclarer le « jihad » contre l’autorité française. Parce que le gouvernement français et le peuple français n’avaient pas attaqué ou offensé l’islam en tant que religion.

Un autre exemple. Pendant l’occupation soviétique en Afghanistan, dans les années 80, la plupart des « ouléma » du pays, mais aussi d’Asie, ont soutenu le « jihad » contre l’Armée rouge. Parce que les communistes étaient entrés dans le pays pour éradiquer l’islam.

L’utilisation de la religion pour justifier la violence

Tout cela pour dire combien les Frères musulmans sont loin de l’islam quand ils osent suggérer d’utiliser cette religion comme justification de la violence.

 Et ce n’est pas seulement une théorie. Les Frères musulmans sont aussi physiquement associés à la violence. Hassan Al-Banna a créé un mouvement de scouts, des jeunes hommes entraînés pour la guerre. En 1936, il les a envoyés combattre en Palestine au nom des Frères musulmans, pendant l’insurrection arabe. A nouveau, en 1948, il leur a ordonné de rejoindre la première guerre arabe contre Israël.

Bien sûr, je ne parle pas ici des raisons de la guerre contre Israël. Je veux seulement mettre en évidence l’implication des Frères musulmans dans des activités militaires depuis le début de leur fondation.

Mais il y avait à cette époque, inclus dans les structures mêmes des Frères musulmans, quelque chose de plus inquiétant encore : ils ont créé ce qu’ils appelaient l’ « Organisation secrète ». C’était un groupe armé chargé des activités clandestines des Frères, formé et entraîné pour l’action militaire. Saleh Achmaoui en était le chef.

En 1940, Achamoui a ouvert une liaison avec des officiers de l’armée égyptienne, ceux-là même qui fonderont en 1950 « le mouvement des officiers libres » sous l’autorité de Gamal Abdel Nasser. Anouar Al-Sadate, un officier déjà associé à Nasser, a livré des armes à Achmaoui et à son groupe.

Peu après commencèrent les activités terroristes des Frères musulmans.

En mars 1948, l’autorité égyptienne ordonnait aux Frères musulmans de rendre leurs armes et d’intégrer leurs groupes armés aux forces régulières du pays. Beaucoup des Frères ont refusé de s’exécuter et se sont rebellés contre le pouvoir.

  •  Puis, au printemps 1948, un jeune membre des Frères musulmans a assassiné un juge.
  •  En novembre de la même année, deux officiers britanniques ont été lynchés pendant une manifestation de rue des Frères musulmans.
  • Trois semaines plus tard, un étudiant sorti des rangs des Frères musulmans tuait le Premier ministre, Mahmoud An-Nukrashi Pasha.

 Négation de la responsabilité des actes de violence

A chaque fois, après une agression terroriste, Hassan Al-Banna a affirmé qu’il n’était pas impliqué. On peut le soupçonner de pratiquer un double jeu. On peut aussi imaginer qu’il avait perdu le contrôle et que quelques-uns de ses disciples agissaient de leur propre chef.

Il est intéressant de constater que, souvent dans l’histoire des Frères musulmans, apparaît la même question : sont-ils associés aux crimes commis par des éléments issus de leur organisation ?

En d’autres termes, les Frères musulmans sont-ils cyniques ou l’idéologie qu’ils enseignent formate-t-elle l’esprit des recrues au point qu’un certain nombre d’entre elles deviennent des terroristes ?

Je n’ai pas la réponse. Cependant, quelle qu’elle soit, les Frères musulmans apparaissent dangereux pour les autres musulmans et pour le reste de l’humanité.

Une idéologie qui inspire la plupart des fondamentalistes islamistes

Ils ne sont cependant pas seulement dangereux en raison des actions de leur organisation. Après un siècle d’existence, ils dominent l’idéologie de la plupart des idéologies islamiques fondamentalistes.
On reconnaît leur empreinte dans le Refah Partisi, parti turc qui a servi de matrice à l’AKP, le parti de Recep Tayyip Erdogan, l’actuel dirigeant de la Turquie. Dans le Hezb-ut-Tahrir (Parti de la Libération) créé en Jordanie. Dans le Jamaat-islami fondé au Pakistan par Sayyid Abul Ala Maududi. Et même dans le Hezb-e-islami afghan de Gulboddin Hekmatyar.

Surenchérissant en termes de fanatisme, vous retrouvez les idées et principes des Frères musulmans dans les préceptes de groupes comme Al-Qaïda et Daech.

Pire encore. Beaucoup de musulmans et de non-musulmans sont convaincus que l’idéologie des Frères musulmans s’identifie au véritable islam. Aussi, beaucoup de musulmans pensent-ils qu’ils ne sont pas de bons croyants puisqu’ils ne suivent pas les principes d’Hassan Al-Banna. Par opposition, et par conséquent, beaucoup de non-musulmans ont une vision horrifiante de l’islam. Nous pouvons dire que les Frères musulmans, en connaissance de cause ou non, préparent un conflit à l’échelle mondiale qui fera ressembler la guerre contre Daech à une partie de chasse.

Arrivé à ce point, tout le monde comprendra combien il est urgent d’annihiler l’idéologie des Frères musulmans.

Les esprits simples vous diront que nous n’avons qu’à déclarer criminelle cette idéologie et emprisonner les gens qui la soutiennent.

La victimisation comme arme de propagande

Cela a été fait en Égypte par Nasser, après que les Frères musulmans se sont révoltés contre lui parce qu’il ne partageait pas le pouvoir avec eux. Aux yeux du peuple, ils sont alors passés pour des victimes et, avec l’un deux, Sayyid Qotb (Sayyed Qotb), une nouvelle génération de Frères est devenue encore plus fanatique à la suite des persécutions subies en prison. Or, l’on sait, la victimisation est un excellent argument de propagande.

D’autres vous diront, « Vous avez affirmé que les Frères musulmans sont compromis dans le terrorisme, c’est donc assez pour les traduire en justice ». Y compris s’agissant d’Hassan Al-Banna, nous avons vu combien il est difficile de prouver sa relation avec la violence et le terrorisme.

Il faut aussi comprendre les Frères musulmans travaillant sur deux plans :
d’un côté la propagande et le prosélytisme religieux, ce qu’ils appellent la « dawa » (ou daawa). De l’autre, la violence. Or, même s’il y a continuité entre ces deux champs, nous ne pouvons pas avoir le même comportement quand ils agissent comme propagandistes et quand ils appartiennent à un groupe terroriste.

Comment contrer leur propagande...

Si contre la « dawa », la propagande religieuse, nous répondons utilisant la force et l’interdiction, dans les pays occidentaux, nous serons en contradiction avec les principes fondamentaux de notre société à propos de la liberté de parole. Les Frères retourneront cela contre nous, disant que nous sommes hypocrites et que nous dénigrons l’islam. Ce sera pour eux un argument de recrutement.

C’est pourquoi, sur le plan de la « dawa » et de la propagande, nous devons, vous devez, leur répondre par la discussion, les arguments et en ayant une bonne connaissance de l’islam. Les musulmans éduqués ont plus spécialement le devoir de renforcer leur compréhension du Coran afin d’être capables de faire face aux Frères musulmans. Je suggérerais aux musulmans d’appeler cela « le jihad des mots pour la paix et la raison ».

C’est un travail difficile mais prioritaire compte tenu de la pression de l’idéologie des Frères musulmans à travers le monde.

… et leur violence?

Il semble plus facile d’affronter les Frères musulmans sur le terrain de la violence terroriste. En fait, ce n’est pas le cas.

  1. Parce que nous souffrons d’une faiblesse sur ce terrain. Le mot terroriste est parfois utilisé avec des intentions de propagande par nos hommes politiques. Aussi perdons-nous de la crédibilité.
  2. Il est souvent difficile d’apprécier la différence entre terrorisme et violence légitime contre un pouvoir tyrannique.
  3. Les coupables de certains actes terroristes peuvent être hors d’atteinte pour des raisons géographiques ou politiques.
  4. Les Frères musulmans ne sont pas stupides et ont acquis de l’expérience en un siècle d’existence. Ils savent très bien comment se dissimuler, compartimenter leurs organisations, diviser leurs activités, utiliser des mots à double sens abusant ainsi les  Occidentaux qui ne sont pas bien entraînés pour leur faire face.

Je vais ajouter un point : pour nous protéger, nous et le reste du monde, de la « dawa » et de la propagande des Frères musulmans et des autres groupes fondamentalistes, nous devons nous efforcer d’être plus justes.

A chaque fois que nous soutenons l’injustice au nom de l’intérêt ou par lâcheté, nous donnons aux Frères musulmans des arguments pour dénigrer notre système et renforcer leur idéologie. Bien sûr, nous ne serons jamais parfaits, mais je fais allusion à des comportements habituels et parfois très ancrés dans nos usages.

Merci d’avoir eu la patience de m’écouter. J’espère que j’ai porté à votre attention quelques points d’importance pour vous aider à construire votre réflexion.

 

Réflexion sur le rapport el KARAOUI – Comment lutter contre la montée de l’islamisme en France?

Pour combattre l’islamisme en France …

Le 10 septembre, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, annonçait son intention de renforcer l’enseignement de l’arabe à l’école.

Beaucoup réagissaient avec vigueur, craignant une arabisation de la France. Évoquant l’étude de l’arabe dans les mosquées, le ministre mettait en avant un argument : l’ignorance de la langue arabe serait une raison de la progression de l’islamisme faute d’une bonne compréhension des textes fondateurs de l’islam. Nous répliquerons: les Saoudiens parlent et étudient l’arabe et leurs religieux sont pourtant les porteurs de l’intégrisme islamique. En revanche, oui, il serait bon pour notre économie de disposer de jeunes commerciaux bilingues, en arabe et en français, pour prospecter les pays du Golfe. Mais le problème de fond n’est pas là.

La veille de la déclaration du ministre, Hakim El Karaoui avait présenté sur RTL son projet de lutte contre l’islamisme. Parmi les moyens proposés, il faisait la promotion du renforcement de l’enseignement de l’arabe à l’école.

Il convient néanmoins de s’interroger, avec honnêteté et sans a priori idéologiques, sur la valeur du rapport.

Dans sa globalité, le document apparaît d’abord comme une analyse, sur plus de 600 pages, des différents islamismes, c’est à dire des formes intégristes de l’islam. Dans l’ensemble, et à quelques détails près, nous avons là un travail cohérent et exact. L’auteur a en particulier le courage de mettre en avant le rôle de promoteur  du salafisme joué par l’Arabie Saoudite.

C’est néanmoins la conclusion la plus importante. Elle livre, selon l’auteur, ce qu’il convient de faire pour empêcher l’islamisme de se développer en France.  Nous reprenons, pour chaque recommandation, un passage du rapport (en rouge et soulignée ci-dessous).

1/ « Créer une institution chargée d’organiser et de financer le culte musulman ». Elle porterait le nom d’ « Association musulmane pour l’islam de France » ou AMIF.

Elle aurait pour mission de financer la rémunération des imams, les mosquées et, tenons nous bien, dixit le rapport, « la lutte contre l’islamophobie et l’antisémitisme ». Pour la dernière partie de la raison d’être de l’AMIF, « la lutte contre l’antisémitisme« , c’est un peu comme si on demandait au Vatican de défendre la laïcité à la française. Ce n’est pas son job !

Quant  au financement, outre une taxe sur les produits dits « hallal » (halal), pourquoi pas, les pays étrangers soutenant financièrement des structures musulmanes sur notre sol seraient priées de les verser à l’AMIF. Ces pays, parions-nous, auraient vite fait de refermer leurs bourses, puisqu’ils perdraient leur moyen d’influence sur les musulmans.

De plus, l’État français, qui serait le créateur, sinon le parrain de l’AMIF, se retrouverait peu ou prou gérant d’un culte religieux. En admettant qu’il parvînt à garder ses distances, les principes de la laïcité n’en seraient pas moins remis en question.

2/ « Il est essentiel de disposer d’un discours religieux musulman en français, alternatif à celui aujourd’hui dominant sur les réseaux sociaux, le discours salafiste ».

Nous échappons au pire puisque le rapport préconise de confier ce travail aux musulmans eux-mêmes et non pas aux structures de l’État.  Néanmoins,  certes des musulmans maîtrisant le dogme islamique et rejetant l’islamisme existent, en France et ailleurs. Mais comment à titre officiel choisir ces musulmans là plutôt que les salafistes ? Cela reviendrait, pour l’État, à préférer officiellement un dogme plutôt qu’un autre. Un peu comme s’il tranchait entre la croyance protestante et celle des catholiques. Seul le roi de France pouvait se le permettre. Et encore, on a vu à quel prix !

En  outre,  cette  idéologie reconnue par l’État serait rejetée par tout un pan de la  population    musulmane.   Ne    serait-ce que par principe. Nous ajouterions alors du conflit au conflit et, involontairement, renforcerions le discours salafiste.

3/ « Réinventer la promotion du discours républicain ». 

Sur  ce  plan, le rapport fait un bon diagnostic.  Il  évoque  «  le  vide du discours public », la nécessité pour l’auteur, d’affirmer « des valeurs, des principes et des règles dont la normativité n’est pas discutable ».

C’est en effet dans l’espace de ce vide que les islamistes recrutent. Ils offrent une fraternité du quotidien, une cohérence des règles, une fermeté des principes et jusqu’à un esprit de rébellion ersatz de liberté. Tout ce qu’inconsciemment nombre de jeunes réclament. 

En face, la République souffre de ses contradictions, de ses erreurs inavouées qui commencèrent avec la Terreur. Faute d’avoir eu le courage de faire amende honorable elle minimise, voire occulte ses défaillances tout en se drapant dans l’omniscience. Elle pose à la transcendance quand la réalité la révèle faillible.

À la fois minée par ses faiblesses et réduite à sa nature de construction humaine, comment pourrait-elle lutter contre un dogme qui se présente comme divin ? L’islamisme et le « républicanisme » ne se battent pas dans la même catégorie, aussi convient-il de ne pas les faire monter sur le même ring. Si une réflexion sur l’histoire de la République s’avère nécessaire pour l’équilibre de notre société, elle sera néanmoins d’un médiocre secours face à la progression de l’islamisme

Cependant, ce paragraphe a le mérite de mettre en relief que l’islamisme n’est fort que de nos faiblesses.

 4/  Il est essentiel « de mobiliser le ministère de l’Éducation nationale : former les cadres et les enseignants à la laïcité qu’ils ne connaissent pas toujours ».

Ce passage va jusqu’à suggérer « d’apprendre à reconnaître les manifestations de l’extrémisme religieux » aux enseignants. Il faudrait pour cela leur inculquer la connaissance de l’islam, puisqu’il ne s’agit que des musulmans dans ce rapport, oubliant les autres extrémismes qui perturbent notre société.

Que l’on goûte néanmoins le piquant de la situation : il reviendrait à une corporation, pour partie responsable de l’effondrement des normes de notre société, de lui redonner ses repères. On comprend la naïveté d’une telle démarche même si l’auteur du rapport, nous en sommes sûr, est animé des meilleures intentions.

Dans ce paragraphe apparaît aussi la relance de « l’apprentissage de la langue arabe » car les cours prodigués par les mosquées « sont devenus pour les islamistes le meilleur moyen d’attirer des jeunes », lit-on. Nous nous sommes exprimés dans notre préambule sur cet aspect pour estimer cette approche infondée.

 5/  « L’État se doit d’améliorer ses connaissances des tenants idéologiques » de l’islamisme.

Comment dire le contraire ? Cela apparaît comme une lapalissade.  Ce travail de recherche incombe aux services de renseignements et aux chercheurs du domaine universitaire, voire aux journalistes. Beaucoup a été fait. Néanmoins, on ne cerne pas les contours d’une idéologie en faisant soi-même de l’idéologie. Ce travers, très français, nous amène à déformer la réalité donc à mal discerner les périls.

À la fin des années 80, déjà je dénonçais les dangers de l’islamisme. J’ai alors publié une longue enquête sur le sujet dans « Le Figaro Magazine ». On me reprocha de critiquer une religion quand j’en repérais les déviances. On me répliquait : « la religion, c’est la paix ! » Du dogmatisme à l’état pur dont nous subissons les conséquences. Aujourd’hui nous professons le paradigme inverse : « les religions, c’est la guerre ! ». Dans les deux cas, nous paralysons notre réflexion et nous empêchons d’approcher la vérité.

 6/ « Un travail d’explication doit être entrepris vis-à-vis des pays qui financent et tentent de contrôler leur communauté d’origine ».

Sur ce plan d’accord !  Mais il faudrait d’abord imposer à nos gouvernements successifs de cesser de désigner un islam étranger de référence au gré de leurs préférences en matière de politique extérieure. On a vu des périodes marocaines, tunisiennes et même qataries, toutes aussi inefficaces, voire néfastes, les unes que les autres.

7/ « Une coopération religieuse avec le Maghreb et les pays du Golfe est à envisager sérieusement… »

 On voit le danger évoqué dans le paragraphe précédent loin d’être évacué, puisqu’il est à nouveau présenté comme une solution à notre problème. Pire, cette coopération, dit le rapport, devrait déboucher sur « un travail théologique dont l’objectif serait de trouver les bonnes réponses aux concepts salafistes… » Ce qui reviendrait à impliquer l’État, directement ou indirectement, dans des choix théologiques. Le contraire, encore une fois, de la laïcité.

8/ « La montée de l’islamisme est également un sujet européen ».  

 Et là encore, l’auteur du rapport voudrait que nous nous impliquions au niveau des États en « réunissant des leaders religieux, islamologues et théologiens… pour permettre l’émergence d’un débat sur les questions théologiques conflictuelles ». D’un islam à la française, nous passerions  à « un islam à l’européenne ». Si nous y parvenions, car nous risquerions des discussions sans fin entre tenants d’approches divergentes.

 Notre conclusion : Si nous appliquions les recommandations de ce rapport, pour la plupart d’entre elles, nous impliquerions l’État dans une mission qui n’est pas la sienne, la définition d’une règle théologique. De plus, nous ne ferions que compliquer une situation déjà complexe sans apporter de solution. Enfin, d’autres de ces recommandations sont tout simplement irréalistes.

 Il n’existe qu’une solution croyons-nous. Celle à laquelle Napoléon 1er eut recours à l’égard de la communauté juive : exiger la reconnaissance de la primauté de notre droit sur le dogme religieux. C’est aux musulmans vivant sur notre sol d’accepter nos lois et non pas à nous de changer notre législation pour nous adapter à leurs préceptes. Tout en leur laissant la libre pratique de leur culte, cela doit être présenté comme non négociable. Mais, pour ce faire, avons nous encore la vertu politique nécessaire?

POUR COMPRENDRE

la récupération d’un élément du rapport de Hakim El Karaoui par le gouvernement, il faut savoir son auteur travaillant pour l’Institut Montaigne.
Ce dernier est dirigé par Henri de Castries, l’actuel président du Groupe de Bilderberg, la célèbre structure mondialiste. Dès lors, comment s’étonner de la convergence entre les positions de l’Institut Montaigne et celles du gouvernement? Aux élections présidentielles, Castries avait quitté la présidence des assurances Axa pour se dévouer à la campagne de François Fillon. On peut se demander s’il ne s’agissait pas d’un stratagème. Si c’est le cas, aujourd’hui, bas les masques ! On voit se rapprocher les partisans des deux candidats mondialistes, Fillon et Macron.
Ainsi, il y a un an, aux élections législatives, Castries soutenait Thibaut Guilluy, candidat à la 4ème circonscription du Pas-de-Calais présenté par La République en marche et… ayant pour suppléante Tiphaine Auzière, la fille de Brigitte Macron.

 

Des Israéliens sont-ils associés au meurtre de soldats français?

Soldats français tués à Bouaké, en Côte d’Ivoire, en 2004: renvoi devant les assises

Yury Sushkin et Barys Smahin, les deux pilotes biélorusses auteurs des raids de Bouaké

Yury Sushkin et Barys Smahin, les deux pilotes biélorusses auteurs des raids de Bouaké

Début juillet 2018, le parquet de Paris a finalement décidé le renvoi en cour d’assise d’un pilote ukrainien, Yury Sushkin, et de deux pilotes ivoiriens accusés d’avoir été les auteur d’une attaque aérienne mortelle contre 9 de nos soldats, à Bouaké, en Côte d’Ivoire, le 6 novembre 2004. Il était temps !

La justice sera-telle rendue?

Nous ne sommes cependant pas arrivés au bout du tunnel. Les trois accusés n’ont pas donné signe de vie depuis leur disparition quelques jours après l’attaque lancée par deux avions ivoiriens de l’armée du Président Laurent Gbagbo

Les suspects avaient été appréhendés au Togo

Comme l’ont noté les avocats et la juge d’instruction qui gérait le dossier en 2016, Sabine Kheris, le plus étrange reste le comportement du gouvernement français de l’époque. Dix jours après les faits, l’autorité du Togo avait interpellé huit mercenaires slaves, dont le pilote aujourd’hui accusé, soupçonnés d’avoir été mêlés à l’opération contre nos forces.

Sans consigne de Paris, ils avaient été relâchés…

L’information était relayée « au niveau de tous les cabinets des ministères de l’Intérieur et de la Défense… » rapporte le contrôleur général de la police nationale alors en exercice, Jean-Éric Lacour.  Le chef d’état-major des armées, le général Henri Bentegeat, avait lui-même informé l’Élysée et rendu compte à Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Or, aucune consigne n’a été donnée par Paris et les huit Slaves, dont le pilote, ont continué leur route vers le Ghana puis l’Europe.

Dans son ordonnance de 2016, la juge d’instruction avait été jusqu’à écrire :
« La décision de ne rien faire concernant les pilotes arrêtés au Togo a été prise à l’identique par le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense et le ministère des Affaires étrangères, ce qui permet de penser à l’existence d’une concertation à un haut niveau de l’État ».

Reste à se demander quelle serait la motivation politique.
Il existe peut-être une piste dont personne ne parle plus.

Pourtant, « Le Monde » du 16 novembre 2004 disait que les deux Sukhoï utilisés pour l’attaque de Bouaké auraient été guidés par des drones manœuvrés par des mercenaires israéliens. Selon « Valeurs Actuelles » du 3 décembre 2004,  ces mêmes mercenaires auraient été les auteurs de coups de feu, au cours d’une manifestation d’Ivoiriens, afin de diriger la colère de la foule contre nos soldats qui tentaient de calmer les protestataires.

Peut-être serait-il utile de se pencher sur des informations qui pourraient donner à penser que le gouvernement français de l’époque, sous la présidence de Jacques Chirac, a voulu épargner ses amis israéliens.

Lire aussi :  Sur le site du « Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001« ,
Assassinats de soldats français en Côte d’Ivoire, qui Paris couvre-t-il?
Des israéliens ont-ils tué des soldats français?

 

Les Russes du FSB ont-ils infiltré Daech?

Le rapatriement soit disant humanitaire des femmes et enfants de Daech cacherait-il une opération secrète du FSB russe ?

Dans le courant de l’année 2016, un informateur m’avait affirmé les services russes du FSB infiltrant massivement des Tchétchènes dans Daech (l’État islamique). Je ne pouvais rien vérifier. De plus, il pouvait s’agir d’une opération de renseignement contre Daech qu’il valait mieux ne pas éventer. Pour ces deux raisons j’avais préféré me taire.

La Tchétchénie dans le coup

Néanmoins, nous apprenons par voie de presse que la Tchétchénie a mis sur pied un programme de rapatriement des femmes et enfants des combattants de Daech ( « Le Monde » du 12 juillet dernier). Officiellement, depuis le 25 août 2017, une centaine de femmes et d’enfants ont ainsi été rapatriés. La Tchétchénie, République constitutive de la fédération de Russie, ne saurait agir sans l’aval de Moscou qui, du reste, ne se cache pas de soutenir l’initiative.

Bombardemenrs russe en Syrie- Victimes civiles

Evacuation de victimes de bombardements russe dans la Ghouta orientale en Syrie

À en croire les Russes et le régime tchétchène, ce programme de rapatriement aurait des motivations humanitaires. Le prétexte invoqué n’est pas convainquant quand on voit l’acharnement mis par l’aviation russe à bombarder les villes syriennes en rébellion,.

Ne s’agirait-il pas plutôt de s’assurer le retour et la loyauté des agents infiltrés chez Daech en ayant leurs femmes et enfants sous contrôle ? Pour éviter que, pris de colère contre leurs commanditaires du FSB pour avoir été sacrifiés, ils ne révèlent leurs missions ?

Pour en savoir plus sur le FSB, lire l’article publié par Pierre de Villemarest sur le site du Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001:    L’espionnage russe mis à jour

Lettre ouverte à Vladimir Poutine

Monsieur le Président Vladimir Poutine,

 

Vladimir Poutine et Bachar el Assad

Il peut sourire, vous êtes sa béquille!

Je ne fais pas partie de ceux qui vous condamnent à l’avance parce que vous êtes un ancien Soviétique. J’ai même cru un moment que vous pouviez organiser un contre pouvoir utile face à nos amis Américains.

Les sales coups de nos amis Américains

Souvenez-vous ! Grisés par l’effondrement de l’Union Soviétique dans lequel ils voulaient voir leur victoire, les décideurs de Washington avaient lancé l’offensive contre la Yougoslavie, bientôt réduite à la Serbie, en mars 1999. À Belgrade ils n’avaient pas raison en tout, mais cette guerre menée contre vos amis et les nôtres était intolérable.

En mars 2003, sous George W. Bush, les États-Unis réalisaient leur plus sale coup : l’invasion de l’Irak sous des prétextes fallacieux. Là encore, non que Saddam Hussein ait été le meilleur des dirigeants possibles pour son peuple. Mais, après tout, c’était aux Irakiens d’en décider.

Puis, au printemps 2011, il y a eu la Libye. La manière de Nicolas Sarkozy de mettre la main à la pâte et ses promesses non tenues afin, me semble-t-il, de préserver  les intérêts de la Russie dans ce pays. Juste histoire d’éviter votre veto au Conseil de Sécurité !

Quand Washington veut ravir l’Ukraine à la communauté russe

Entre temps, la crise géorgienne avait éclaté en 2004. Vous aviez des torts, les Américains aussi en voulant tout contrôler. Mais après tout, la Géorgie n’est pas la Russie. Il en est tout autrement avec l’Ukraine et la principauté de Kiev née sur son territoire au IXe siècle, historiquement le premier État russe.  L’ancêtre à vos yeux de la Grande Russie.

Or, depuis la chute de l’URSS, à coups de dollars, les États-Unis cherchaient à faire basculer l’Ukraine dans l’Union Européenne. Le but était bien sûr de vous affaiblir un peu plus à Moscou. Résultat de ces manœuvres, une guerre civile éclatait en 2014. Nous avons alors vu votre réaction aux Donbass et votre opération de récupération de la presqu’île de Crimée.  L’une et l’autre bien dans votre manière, brutale et cocardière. Mais les Américains, et à leur suite les Européens, ne l’ont pas compris, vous défendiez votre pré-carré, vos droits selon votre conception.

A votre tour vous avez commis une erreur impardonnable, c’est en Syrie

Cependant, à votre tour, comme les Américains, vous alliez dépasser les bornes. C’était en Syrie.

Au printemps 2011, éclatait dans ce pays une Révolution. Vous comme nous, en France, savons ce que cela signifie : un peuple en colère contre le pouvoir.  Quand la moitié de l’armée, elle aussi fille du peuple, déserte et constitue la base de l’insurrection, pas de doute.

Néanmoins, vous avez privilégié vos intérêts immédiats dans ce pays. Les Américains ont alors commis eux aussi une faute en refusant tout compromis avec vous sur ce dossier. Ils voulaient vous chasser pour prendre la place.

Alors, vous avez fait un choix infâme : soutenir l’un des pouvoirs les plus impitoyables de la planète contre son propre peuple.  Une tyrannie qui épand des gaz de combat sur des femmes et des enfants. Cette décision, vous l’avez prise pour conserver votre port à Tartous et votre influence sur l’institution militaire syrienne.

Je ne vous prends pas pour un mou indécis. Loin de là ! Mais iriez vous jusqu’à faire bombarder la moitié de Moscou pour conserver le pouvoir ? Si oui, ne prenez pas la peine de terminer cette lettre.

Sinon, réfléchissez ! Dans l’affaire syrienne, vous avez laissé aux Américains le beau rôle, celui de défenseurs de la liberté. Si vous voulez redorer votre blason, il n’y a qu’une voie : sortir Bachar Al-Assad et ses sbires du jeu politique. Les envoyer finir leurs jours en exil, par exemple dans une ville de vos provinces sibériennes.

Ne serait-il pas pragmatique, pour une fois, de réaliser un rêve ?

Plus globalement, je vous suggérerais de changer de ligne politique avec les Américains. Plutôt que de jouer à celui qui montera le plus sale coup contre l’autre, entrez en compétition pour savoir qui, d’eux ou de vous-même, parviendra à en faire le plus pour la paix et le bien de l’humanité.

Bon, je sais, je rêve ! Mais croyez moi, la Syrie restera une plaie saignante au flanc russe, comme autrefois l’Afghanistan sur celui de l’URSS.

Cordialement.

Alain Chevalérias

P.S.: J’ai adressé cette lettre à Maria Zakharova, du ministère des Affaires étrangères de Russie, qui m’accorde le grand honneur de me faire part de ses humeurs et opinions sur Facebook. Je joins une photo souvenir.

Pour vous rappeler: on ne joue pas le Président des États-Unis contre l’establishment américain…  ou alors on perd.

Vous pouvez aussi lire quelques-uns des articles que j’ai publiés au « Centre de Recherches sur le Terrorisme Depuis le 11 septembre 2001 » sur des sujets évoqués plus haut:

Alep, une guerre pour rien
Al Qaïda en Libye
Kissinger, stratégie afghane des Etats-unis

 

La réforme du rail et les grèves de la SNCF

SNCF,  des grèves à n’en plus finir

SNCF, calendrier des grèves 2018

SNCF, grève perlée depuis avril 2018

Depuis le mois d’avril, les grèves de la SNCF épuisent les Français obligés à recourir au chemin de fer pour se rendre à leur travail.

Il faut savoir qu’un agent de conduite gagne 3 600 € par mois même si la plupart des cheminots reçoivent un salaire proche de la moyenne nationale… cependant ajouté de primes représentant jusqu’à 25% du salaire officiel. Autre détail, un cheminot inclut son temps de déplacement du domicile à son emploi dans le temps de travail. Beaucoup de Français rêveraient d’un pareil avantage ! Ajoutons, retraites précoces, 22 jours de RTT en plus des congés annuels, garantie de l’emploi, avantages sociaux etc… Vous comprendrez qu’ils ont peur que les choses changent. Mais tout se paye : un cheminot SNCF coûte 20% plus cher qu’un employé effectuant le même travail dans une entreprise privée.

Mais que dit la loi intitulée « Le nouveau pacte ferroviaire » et pourquoi a-t-elle été programmée ?

Emmanuel Macron insiste sur la nécessité de moderniser notre réseau ferré. Nous avons donc lu pour vous le texte adopté par l’Assemblée nationale le 17 avril dernier. Il est désigné sous l’appellation de « petite loi » et a été transmis au Sénat pour débattre.

Il faut savoir tout parti d’une décision de l’Union Européenne, pour, nous dit le « Règlement 2016/796 du Parlement européen et du Conseil », « la constitution progressive d’un espace ferroviaire européen unique ».  Du reste, dans la nouvelle loi figure quatre impératifs d’alignement sur des règlements européens.

Ouverture à la concurrence

À terme, le but est de permettre à des compagnies privées françaises et étrangères d’utiliser notre réseau ferroviaire pour transporter des voyageurs et du fret. À cette fin, une première réforme a déjà été engagée : la séparation de la SNCF en deux entreprises distinctes : la société SNCF Réseau, propriétaire du réseau ferré, et la SNCF Mobilités, chargée de l’exploitation des trains. Ce bouleversement, perçu par le public comme une fantaisie de l’exécutif, est en réalité une injonction européenne. Le règlement cité plus haut disait : « Il est nécessaire que ces deux activités (transport et gestion de l’infrastructure) puissent être gérées séparément et aient des comptes distincts ».

Il est vrai, le développement de l’Union européenne, la suppression des contrôles frontaliers et l’explosion des déplacements internationaux donnent au rail une perspective continentale. Or cette dernière est difficile à gérer dans des contextes purement nationaux.

La France au centre de l’Europe..

Néanmoins, la France jouit d’une position particulière. D’abord elle est au centre géographique de l’Europe de l’Ouest. Ensuite, le réseau ferroviaire français a été conçu en toile d’araignée centrée sur Paris. Grâce au prolongement de nos lignes déjà, de cette ville, nous accédons facilement à cinq capitales européennes, avec un peu plus de mal en tout à une dizaine. Il suffit de renforcer les avantages de ces caractéristiques pour faire de la France le centre du réseau ferroviaire européen.

Un atout mal exploité

Cette chance, la France aurait pu en faire un atout de développement. Mais comment y parvenir avec une SNCF sclérosée et de plus minée par les syndicats ? En outre, à la tête de l’Europe, on n’est guère disposé à laisser à la France le contrôle de fait du réseau européen. Alors, Bruxelles a décidé le partage du gâteau avec l’ouverture à la concurrence. En clair, des compagnies étrangères rouleront sur notre réseau.

La SNCF prise entre une concurrence farouche et Bruxelles

Mais voilà, ces mêmes compagnies étrangères ont recours à des cheminots moins onéreux. Elles pourront donc offrir des billets à des tarifs concurrentiels. Autrement dit ruiner SNCF Mobilités. Macron se retrouve pris entre deux feux : d’une part il doit se soumettre aux injonctions de Bruxelles, de l’autre il devrait  réduire les privilèges des cheminots pour abaisser le coût du travail.

Alors, le législateur a cherché à biaiser : d’un côté, il livre notre réseau ferroviaire pieds et poings liés aux entreprises étrangères. De l’autre, il fait des concessions aux cheminots, mais sur le court terme. Ainsi, les conventions conclues avec les syndicats avant fin 2023 seront applicables jusqu’en 2033, selon l’article 2bis. Plus important, en cas de cession d’une activité de SNCF Mobilités à une autre société, le nouveau patron devra prendre à sa charge les cheminots français et honorer le contrat de travail SNCF dont ils jouissent.

Mais ce n’est encore pas assez aux yeux des syndicats. Voilà pourquoi nous, usagers, sommes piégés dans les grèves : parce que Macron et ses prédécesseurs n’ont pas su défendre les intérêts de la France face à l’Europe et aux meneurs syndicalistes.

Un ex zadiste de Notre-Dame-des-Landes témoigne

Jean-Luc ancien Zadiste

L’homme a une cinquantaine d’années, il s’appelle Jean-Luc et a fait un choix de vie. Épris de liberté et cherchant une vie saine, il est en marge du « système ». Aujourd’hui, il sillonne l’Europe mais s’est attaché plus particulièrement à la Bulgarie. Il gagne sa vie en exerçant ses talents dans le domaine agricole, utilisant des techniques bios. Respectueux des préférences des autres et ne demandant rien à l’État, son mode de vie nous apparaît respectable. Au lendemain de l’opération menée par les forces de l’ordre pour chasser de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes les derniers réfractaires, la publication de cette interview nous a paru à propos.

Un zadiste à Notre dame des Landes, Non à l'aéroport

Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Le mot d’ordre: Non!

 

Au printemps 2013, ses pas l’ont porté vers la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Juste après l’opération César, menée par les forces de sécurité pour tenter de restaurer l’autorité de l’État sur le secteur. Côté étatique, cela avait été un échec, tout en laissant un fort traumatisme aux zadistes témoigne Jean-Luc.

Zadiste…une vie « alternative »

Écolo dans l’âme, il a été immédiatement happé par cette vie « alternative ». Il y voyait la concrétisation de ses espérances. Alors, sans rien demander, il s’est jeté à corps perdu dans l’aventure. « Les premiers six mois, avoue-t-il, j’ai vécu le rêve. Puis mes yeux se sont progressivement ouverts et j’ai pris conscience de la réalité ».

Zadiste et zadistes

« Dans la ZAD, continue-t-il, on rencontrait un peu de tout. Des paysans, comme moi, qui cherchaient à mettre en œuvre des techniques de culture respectueuses de l’environnement, mais aussi des gens aux idées confuses sans aucune expérience de la terre. Des groupes s’étaient aussi installés, dont des végans qui refusent la consommation de viande et l’utilisation des produits animaux comme le cuir, des anarchistes ou des féministes. Les féministes n’étaient même pas d’accord. D’un côté, il y avait la Maison rose, plutôt LGBT, de l’autre les femmes qui refusaient la mixité, vivaient entre elles et interdisaient toute présence masculine dans leur parcelle ».

D’autres pourraient même représenter un danger pour la société.  « On trouvait aussi ceux que l’on appelle les Punks à chiens, des jeunes qui affectionnent les tenues de Punks et s’affichent avec des chiens. On en voit dans les villes. J’avais néanmoins de bonnes relations avec eux. On voyait aussi passer des gens identifiés aux Black Blocs qui ne restaient cependant pas sur place  ».

Des décisions difficiles à prendre

On comptait une vingtaine de lieux de vie. Les cultivateurs en avaient trois : les Fosses noires, la Ferme de Bellevue et les 100 Noms. «  Entre tous ces groupes, les décisions étaient difficiles à prendre, poursuit Jean-Luc. D’abord il fallait discuter longtemps, toujours dans un contexte conflictuel, chaque tendance cherchant à s’imposer sur les autres, de plus réclamant tout et son contraire. Je me souviens d’une histoire qui s’est terminée en tragédie. Un cheval nous avait été donné. Il avait été laissé libre, sans même un enclos, pour respecter sa condition animale. Il buvait les restes de bière. Problème, il y avait un if dans la ZAD, dont la verdure est toxique pour les chevaux. Quelqu’un a proposé de couper l’arbre. Mais les défenseurs des végétaux s’y sont opposés. Un jour le cheval a été pris de convulsions. Il avait probablement goûté du branchage de l’if. Personne ne s’en est inquiété. Un témoin direct m’a raconté que cela avait duré un bon moment, avant que lui-même n’appelle un vétérinaire. Il a fallu  euthanasier la  pauvre bête ».

Désabusé, notre zadiste s’en va

À cela s’ajoutait l’alcoolisme de certains, un usage habituel de drogues dures pour d’autres. Même si, précise Jean-Luc, « il ne faut pas généraliser ». En fait, la ZAD était devenue une zone de non droit.

L’homme l’admet, « si des gens de valeur étaient présents, d’autres n’étaient que des profiteurs et des paresseux. Pire, quelques-uns s’étaient même fait une spécialité de dépouiller les nouveaux venus. L’atmosphère me pesait de plus en plus. Il était devenu évident à mes yeux que, faute d’un minimum d’organisation, aucun projet ne pouvait faire souche. Alors j’ai fini par partir ».

Iran et Israël, des frères ennemis

L’Iran attaque Israël qui répond

Dans la nuit du 9 au 10 mai, Israéliens et Iraniens se sont attaqués les uns aux autres, dans le Golan et  sur le territoire syrien. Certes, Téhéran se défausse des tirs de roquettes sur la Syrie. Mais sans vraiment convaincre. Cette montée de la tension entre Israël et l’ Iran a des origines plus profondes que la presse ne nous le dit.

L’animosité irano-israélienne

On tend à réduire l’animosité entre les deux pays à des pulsions religieuses émanant de l’Iran. C’est oublier l’essentiel : la relation ancienne entre leurs deux cultures, remontant à la Perse et à l’Israël biblique, d’une part, la concurrence stratégique entre l’Iran et l’État moderne d’Israël, d’autre part.

La déportation des Hébreux à Babylone

Souvenez-vous ! Au VIe siècle av. J.-C., Nabuchodonosor, roi de Babylone, emmenait les Hébreux en déportation chez lui. A peine cinquante ans plus tard, les Perses s’emparaient de la Babylonie. Comme ils l’ont souvent fait en tant que minorité agissante, ceux que l’on appelait encore les Hébreux se sont alors associés aux vainqueurs.

Ces derniers avaient avec eux en commun de pratiquer une religion monothéiste, le zoroastrisme. Les futurs juifs ont alors enrichi leur propre croyance de préceptes zoroastriens. Parmi ceux-ci, l’idée de « messie » et le jugement dernier. Puis les exilés perdirent l’habitude de parler hébreu pour adopter l’araméen. Une autre langue sémitique qui, s’étant généralisée en Mésopotamie, servait d’idiome véhiculaire entre les peuples vaincus et leur dominateur.

Proximité entre Perses et Hébreux

Devenu des intermédiaires entre la population et le pouvoir perse, les juifs jouissaient d’une grande proximité avec lui. On en a le témoignage à travers le geste de l’empereur achéménide, Cyrus, qui versa de sa cassette personnelle une partie de l’argent nécessaire à la reconstruction du premier temple de Jérusalem détruit par les Babyloniens. Le fait est rapporté par la Torah qui attribue, de manière un peu excessive, le titre de messie à Cyrus.

Cette proximité s’exprima aussi à la guerre. Dans la querelle qui opposa l’empire de Byzance aux Sassanides, la nouvelle dynastie d’empereurs perses, la plupart des juifs prirent fait et cause pour ces derniers. Ainsi, quasi ignoré chez nous, de 614 à 617 après J.-C., les juifs parvinrent-ils brièvement à se réinstaller à Jérusalem grâce à la Perse *.

Les Perses soumis par les Arabes, se convertissent à l’Islam

Cependant, avec l’avancée arabe, au VIIe siècle, les Perses à leur tour étaient soumis. Sous la contrainte, ils se retrouvèrent convertis à l’islam. Avec le temps, ils optèrent pour le chiisme, moyen de se différencier de leurs vainqueurs et de manifester leur esprit rebelle. Mais l’ancienne religion zoroastrienne gardait une discrète emprise. Culturellement, bien que très minoritaire, elle est encore présente dans la République des mollahs. Ainsi le « Nao Rouz », le nouvel an de la tradition persane, est-il toujours célébré en Iran.

Plus significatif : les anciens mages, les prêtres de la religion zoroastrienne, se sont glissés dans les structures dirigeantes de la nouvelle croyance, important nombre de leurs traditions et, originalité par rapport au sunnisme, imposant même un clergé hiérarchisé.

Sans doute la proximité du judaïsme et du chiisme avec le zoroastrisme explique-t-elle les ressemblances perceptibles entre la pensée talmudique et l’ « ijtihad », l’exégèse islamique, telle qu’elle est pratiquée par les religieux chiites.

Ces filiations et cette histoire commune ont fait des Irano-perses  et des Judéo-israéliens des peuples très proches dont des pans entiers de la culture se ressemblent. Mais la création d’Israël allait remettre en question cette relation historique.

 

L’ Iran et Israël en compétition pour dominer les Arabes

Shimon Pérès et Benyamin Netanyahu

Benyamin Netanyahou et Shimon Peres.

L’État juif s’est construit dans la logique de la supériorité face aux Arabes. Dans la volonté aussi de les dominer. L’Iran est dans la même démarche. Par chance pour les Arabes, après avoir hésité sous le shah, au lieu de s’unir l’Iran et Israël ont choisi la compétition.

Khameneï; guide suprême de l' Iran

L’Imam Ali Khamenei et le défunt Ali Akbar Rafsandjani.

 

La différence est dans l’approche. Quand l’Iran se sert de la religion chiite, qu’il associe à sa stratégie politique, Israël s’appuie beaucoup plus sur la force militaire et l’économie. Mais l’Iran et Israël se veulent, chacun de leur côté, le maître exclusif du Moyen-Orient

Des proxys pour s’affronter…

Jusqu’ici, les décideurs des deux pays évitaient de s’affronter directement. Ils se contentaient d’envolées rhétoriques et utilisaient des proxys : le Hezbollah du Liban, par exemple pour l’Iran, et les Kurdes d’Irak ou de Syrie pour Israël. Mais la passion s’empare des esprits et en chasse l’esprit de prudence des grands stratèges. Alors, de raids perpétrés en Syrie en roquettes tirées sur les régions contrôlées par Israël, les deux camps se cherchent. Comme deux bandes de sales gosses qui voudraient en découdre mais sans trop oser. Ils ont besoin d’un peu plus de colère pour ça, d’un beau massacre d’un côté ou de l’autre, pour lâcher leurs meutes.

Des raids directs en Syrie

Les attaques de la nuit du 9 au 10 mai 2018, les roquettes tirées par les Iraniens, visaient les lignes de défense israéliennes du plateau du Golan. Elles n’ont pas fait de victime. De plus, la partie du Golan visée, certes déclarée territoire israélien par la Knesset, n’est pas reconnue comme telle par la communauté internationale. Ce n’est donc pas vraiment une attaque contre Israël. Quant à la réponse israélienne, elle aurait fait 8 morts de nationalité iranienne. Il en faut plus aux ayatollahs de Téhéran qui ont toujours manifesté une certaine insensibilité à la mort de leurs troupes.

Cependant, le danger est là. On sent quelques-uns qui s’échauffent tant chez les Gardiens de la Révolution iranienne que dans le cabinet de Netanyahou.

Chaque camp se croit sûr de maîtriser la situation, de l’emporter à la fin sur l’autre. Toutes les guerres sont faites de ce genre d’illusions. En fait, elles se terminent toujours par la destruction, au moins l’appauvrissement, des belligérants. Le recours aux armes est le moyen le plus primitif, et finalement le moins efficace, d’étendre son influence. Dites-le à Téhéran et à ceux de Tel-Aviv qui se croient à Jérusalem…

* « Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme » collection Bouquins, page 1139.