SNCF, des grèves à n’en plus finir
Depuis le mois d’avril, les grèves de la SNCF épuisent les Français obligés à recourir au chemin de fer pour se rendre à leur travail.
Il faut savoir qu’un agent de conduite gagne 3 600 € par mois même si la plupart des cheminots reçoivent un salaire proche de la moyenne nationale… cependant ajouté de primes représentant jusqu’à 25% du salaire officiel. Autre détail, un cheminot inclut son temps de déplacement du domicile à son emploi dans le temps de travail. Beaucoup de Français rêveraient d’un pareil avantage ! Ajoutons, retraites précoces, 22 jours de RTT en plus des congés annuels, garantie de l’emploi, avantages sociaux etc… Vous comprendrez qu’ils ont peur que les choses changent. Mais tout se paye : un cheminot SNCF coûte 20% plus cher qu’un employé effectuant le même travail dans une entreprise privée.
Mais que dit la loi intitulée « Le nouveau pacte ferroviaire » et pourquoi a-t-elle été programmée ?
Emmanuel Macron insiste sur la nécessité de moderniser notre réseau ferré. Nous avons donc lu pour vous le texte adopté par l’Assemblée nationale le 17 avril dernier. Il est désigné sous l’appellation de « petite loi » et a été transmis au Sénat pour débattre.
Il faut savoir tout parti d’une décision de l’Union Européenne, pour, nous dit le « Règlement 2016/796 du Parlement européen et du Conseil », « la constitution progressive d’un espace ferroviaire européen unique ». Du reste, dans la nouvelle loi figure quatre impératifs d’alignement sur des règlements européens.
Ouverture à la concurrence
À terme, le but est de permettre à des compagnies privées françaises et étrangères d’utiliser notre réseau ferroviaire pour transporter des voyageurs et du fret. À cette fin, une première réforme a déjà été engagée : la séparation de la SNCF en deux entreprises distinctes : la société SNCF Réseau, propriétaire du réseau ferré, et la SNCF Mobilités, chargée de l’exploitation des trains. Ce bouleversement, perçu par le public comme une fantaisie de l’exécutif, est en réalité une injonction européenne. Le règlement cité plus haut disait : « Il est nécessaire que ces deux activités (transport et gestion de l’infrastructure) puissent être gérées séparément et aient des comptes distincts ».
Il est vrai, le développement de l’Union européenne, la suppression des contrôles frontaliers et l’explosion des déplacements internationaux donnent au rail une perspective continentale. Or cette dernière est difficile à gérer dans des contextes purement nationaux.
La France au centre de l’Europe..
Néanmoins, la France jouit d’une position particulière. D’abord elle est au centre géographique de l’Europe de l’Ouest. Ensuite, le réseau ferroviaire français a été conçu en toile d’araignée centrée sur Paris. Grâce au prolongement de nos lignes déjà, de cette ville, nous accédons facilement à cinq capitales européennes, avec un peu plus de mal en tout à une dizaine. Il suffit de renforcer les avantages de ces caractéristiques pour faire de la France le centre du réseau ferroviaire européen.
Un atout mal exploité
Cette chance, la France aurait pu en faire un atout de développement. Mais comment y parvenir avec une SNCF sclérosée et de plus minée par les syndicats ? En outre, à la tête de l’Europe, on n’est guère disposé à laisser à la France le contrôle de fait du réseau européen. Alors, Bruxelles a décidé le partage du gâteau avec l’ouverture à la concurrence. En clair, des compagnies étrangères rouleront sur notre réseau.
La SNCF prise entre une concurrence farouche et Bruxelles
Mais voilà, ces mêmes compagnies étrangères ont recours à des cheminots moins onéreux. Elles pourront donc offrir des billets à des tarifs concurrentiels. Autrement dit ruiner SNCF Mobilités. Macron se retrouve pris entre deux feux : d’une part il doit se soumettre aux injonctions de Bruxelles, de l’autre il devrait réduire les privilèges des cheminots pour abaisser le coût du travail.
Alors, le législateur a cherché à biaiser : d’un côté, il livre notre réseau ferroviaire pieds et poings liés aux entreprises étrangères. De l’autre, il fait des concessions aux cheminots, mais sur le court terme. Ainsi, les conventions conclues avec les syndicats avant fin 2023 seront applicables jusqu’en 2033, selon l’article 2bis. Plus important, en cas de cession d’une activité de SNCF Mobilités à une autre société, le nouveau patron devra prendre à sa charge les cheminots français et honorer le contrat de travail SNCF dont ils jouissent.
Mais ce n’est encore pas assez aux yeux des syndicats. Voilà pourquoi nous, usagers, sommes piégés dans les grèves : parce que Macron et ses prédécesseurs n’ont pas su défendre les intérêts de la France face à l’Europe et aux meneurs syndicalistes.