Le 31 janvier, dans « Le Monde », Kamel Daoud, écrivain franco-algérien, publiait une tribune libre intitulée « Cologne, lieu de fantasmes ». À sa façon alambiquée d’intello perdu dans les méandres de la vie, il veut nous faire partager son explication des agressions de femmes, perpétrées pendant la nuit de la Saint Sylvestre à Cologne.
Pour lui, dans le monde musulman, « la femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée (…) Étant donneuse de vie et la vie étant perte de temps, la femme devient la perte de l’âme ». Il prend pour grille de lecture la doxa islamiste et, pour se faciliter les choses, suppose tous les musulmans s’y référer. Il peut dès lors imputer à l’islam la responsabilité des agressions de Cologne.
À la lumière de notre expérience des sociétés orientales, la réalité nous apparaît différente. Certes, la tradition sémite, qu’elle soit devenue juive ou musulmane, bien avant l’islam donc, tend à restreindre la femme dans l’univers domestique. En outre, comme dans la tradition chrétienne, mais sans doute plus encore, la vie sexuelle y connaît des restrictions. Néanmoins, autrefois en terre d’islam, justement pour protéger la société de débordements émanant de jeunes gens, on mariait ces derniers au début de l’âge adulte.
Cependant, au cours du dernier demi siècle, du Maroc au Pakistan, la population a été multipliée par quatre ou cinq selon les pays. Jusqu’alors essentiellement rurale, elle s’est urbanisée et paupérisée. L’espace et l’argent manquant, quand les besoins croissaient, les mariages se sont conclus plus tardivement, engendrant l’apparition d’une catégorie de jeunes gens frustrés.
Les conséquences de ce phénomène sont observables jusque dans les rues des grandes mégapoles. Au Caire, par exemple, les femmes seules sont souvent harcelées. Des viols en groupe y ont été répertoriés. Pour bien dire que ce n’est pas une exception musulmane, les mêmes dérives s’observent dans la société hindoue.
Au Moyen-Orient, dans les villes à risque, femmes et jeunes filles ont appris à se protéger en évitant les trajets exposés. En Occident, en revanche, ces jeunes frustrés, quand ils débarquent dans nos cités, ont les yeux d’affamés entrant dans une pâtisserie. À cela s’ajoute le mythe de la femme occidentale, dans laquelle beaucoup d’Orientaux voient une sorte de prostituée, en raison de la liberté dont elle jouit.
Pour nous, Kamel Daoud se trompe. S’il y a bien des critiques à faire sur une pratique musulmane inadaptée à la vie moderne, ce n’est pas celle qu’il décrit dans son article. Cependant, la réponse que lui donne, dans « Le Monde » du 11 février, un collectif d’intellos « islamo-gauchisants » ne vaut pas mieux. Eux, c’est la critique de l’islam qu’ils tendent à interdire, celle de l’Occident dont ils font la promotion.
Mais quand Kamel Daoud, blessé dans son orgueil, répond à ces contradicteurs en annonçant son retrait du journalisme, il en devient ridicule… et inutile. Cependant, que dire de Manuel Valls ! Le 2 mars, il s’est fendu d’un texte sur Facebook pour accourir à la rescousse d’un Daoud qui s’est réduit au rôle de Don Quichotte. Cette affaire est bien une tempête intellectualiste dans un encrier. Elle dégouline même sur le bureau du Premier ministre.