Monsieur le Président Vladimir Poutine,
Je ne fais pas partie de ceux qui vous condamnent à l’avance parce que vous êtes un ancien Soviétique. J’ai même cru un moment que vous pouviez organiser un contre pouvoir utile face à nos amis Américains.
Les sales coups de nos amis Américains
Souvenez-vous ! Grisés par l’effondrement de l’Union Soviétique dans lequel ils voulaient voir leur victoire, les décideurs de Washington avaient lancé l’offensive contre la Yougoslavie, bientôt réduite à la Serbie, en mars 1999. À Belgrade ils n’avaient pas raison en tout, mais cette guerre menée contre vos amis et les nôtres était intolérable.
En mars 2003, sous George W. Bush, les États-Unis réalisaient leur plus sale coup : l’invasion de l’Irak sous des prétextes fallacieux. Là encore, non que Saddam Hussein ait été le meilleur des dirigeants possibles pour son peuple. Mais, après tout, c’était aux Irakiens d’en décider.
Puis, au printemps 2011, il y a eu la Libye. La manière de Nicolas Sarkozy de mettre la main à la pâte et ses promesses non tenues afin, me semble-t-il, de préserver les intérêts de la Russie dans ce pays. Juste histoire d’éviter votre veto au Conseil de Sécurité !
Quand Washington veut ravir l’Ukraine à la communauté russe
Entre temps, la crise géorgienne avait éclaté en 2004. Vous aviez des torts, les Américains aussi en voulant tout contrôler. Mais après tout, la Géorgie n’est pas la Russie. Il en est tout autrement avec l’Ukraine et la principauté de Kiev née sur son territoire au IXe siècle, historiquement le premier État russe. L’ancêtre à vos yeux de la Grande Russie.
Or, depuis la chute de l’URSS, à coups de dollars, les États-Unis cherchaient à faire basculer l’Ukraine dans l’Union Européenne. Le but était bien sûr de vous affaiblir un peu plus à Moscou. Résultat de ces manœuvres, une guerre civile éclatait en 2014. Nous avons alors vu votre réaction aux Donbass et votre opération de récupération de la presqu’île de Crimée. L’une et l’autre bien dans votre manière, brutale et cocardière. Mais les Américains, et à leur suite les Européens, ne l’ont pas compris, vous défendiez votre pré-carré, vos droits selon votre conception.
A votre tour vous avez commis une erreur impardonnable, c’est en Syrie
Cependant, à votre tour, comme les Américains, vous alliez dépasser les bornes. C’était en Syrie.
Au printemps 2011, éclatait dans ce pays une Révolution. Vous comme nous, en France, savons ce que cela signifie : un peuple en colère contre le pouvoir. Quand la moitié de l’armée, elle aussi fille du peuple, déserte et constitue la base de l’insurrection, pas de doute.
Néanmoins, vous avez privilégié vos intérêts immédiats dans ce pays. Les Américains ont alors commis eux aussi une faute en refusant tout compromis avec vous sur ce dossier. Ils voulaient vous chasser pour prendre la place.
Alors, vous avez fait un choix infâme : soutenir l’un des pouvoirs les plus impitoyables de la planète contre son propre peuple. Une tyrannie qui épand des gaz de combat sur des femmes et des enfants. Cette décision, vous l’avez prise pour conserver votre port à Tartous et votre influence sur l’institution militaire syrienne.
Je ne vous prends pas pour un mou indécis. Loin de là ! Mais iriez vous jusqu’à faire bombarder la moitié de Moscou pour conserver le pouvoir ? Si oui, ne prenez pas la peine de terminer cette lettre.
Sinon, réfléchissez ! Dans l’affaire syrienne, vous avez laissé aux Américains le beau rôle, celui de défenseurs de la liberté. Si vous voulez redorer votre blason, il n’y a qu’une voie : sortir Bachar Al-Assad et ses sbires du jeu politique. Les envoyer finir leurs jours en exil, par exemple dans une ville de vos provinces sibériennes.
Ne serait-il pas pragmatique, pour une fois, de réaliser un rêve ?
Plus globalement, je vous suggérerais de changer de ligne politique avec les Américains. Plutôt que de jouer à celui qui montera le plus sale coup contre l’autre, entrez en compétition pour savoir qui, d’eux ou de vous-même, parviendra à en faire le plus pour la paix et le bien de l’humanité.
Bon, je sais, je rêve ! Mais croyez moi, la Syrie restera une plaie saignante au flanc russe, comme autrefois l’Afghanistan sur celui de l’URSS.
Cordialement.
Alain Chevalérias
P.S.: J’ai adressé cette lettre à Maria Zakharova, du ministère des Affaires étrangères de Russie, qui m’accorde le grand honneur de me faire part de ses humeurs et opinions sur Facebook. Je joins une photo souvenir.
Vous pouvez aussi lire quelques-uns des articles que j’ai publiés au « Centre de Recherches sur le Terrorisme Depuis le 11 septembre 2001 » sur des sujets évoqués plus haut:
Alep, une guerre pour rien
Al Qaïda en Libye
Kissinger, stratégie afghane des Etats-unis