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Franz-Olivier Giesbert refait l’Histoire

Dans « Actualité Juive » du 6 avril dernier, Franz-Olivier Giesbert répond à quelques questions sur son dernier livre, « Belle d’amour ».

Franz-Olivier Giesbert

Franz-Olivier Giesbert

 

L’hebdomadaire qualifie l’ouvrage de « voyage éclairé dans le XIIIe siècle des croisades ». Des choses surprenantes sont pourtant tombées de la bouche de cet érudit.

« Contre-vérités historiques » !

Nous lisons au milieu de l’interview de Franz-Olivier Giesbert : « Dans « Belle d’amour », j’écris que « la Palestine est une terre juive ». Les islamo-gauchistes y ont réagi très violemment. Ces idiots utiles de l’islamisme, souvent bien installés dans des médias comme Le Monde, développent l’idée que la Palestine a toujours été une terre arabe (…) Les Arabes palestiniens d’aujourd’hui sont les descendants des envahisseurs arabes ou de juifs qui se sont convertis à l’islam. Dire qu’ils ont toujours été là et qu’ils furent chassés par les Juifs est un mensonge, une contre-vérité historique ».

Nous voyons-là, nous, un bel assemblage de demies vérités. Prenons-les une à une.

« La Palestine est une terre juive », affirme Franz-Olivier Giesberg se citant lui-même.

Il a raison pour la période allant de la création du royaume d’Israël, au Xe siècle avant Jésus-Christ, à la destruction du deuxième Temple de Jérusalem, en l’an 70 de notre ère.

Qu’en est-il avant et après?

Avant la conquête des Hébreux, parlant des Arabes, Franz-Olivier Giesbert assène : « Dire qu’ils ont toujours été là et qu’ils furent chassés par les Juifs est un mensonge, une contre-vérité historique ». Évidemment puisqu’à l’époque, la fin du XIIIe siècle av. J.C., on n’entend nulle part parler d’ « Arabes ». Leurs ancêtres existent bien sûr, mais eux les Arabes, en tant que peuple ou ethnie, non.

Faute de l’existence d’Arabes, le Pays de Canaan ne saurait alors être arabe. Mais avant l’arrivée des Hébreux, on ne peut pas non plus le déclarer juif puisque, comme la Bible le dit elle-même, les populations qui y vivent alors ne sont pas juives.

Mais qu’en est-il après la fuite massive des juifs de Palestine en l’an 70 de notre ère ?

Pour Giesbert, « les Arabes palestiniens d’aujourd’hui sont les descendants des envahisseurs arabes ou de juifs qui se sont convertis à l’islam ».

Il réduit les Arabes palestiniens à deux composantes : les descendants de juifs convertis à l’islam et ceux des envahisseurs arabes. Pour la première catégorie, il nous semble peu probable qu’elle soit nombreuse, car il faut reconnaître à ce peuple un fort attachement à sa religion. Pour la seconde, les descendants d’Arabes, il oublie un principe de la dynamique de l’Histoire : les envahisseurs sont en général moins nombreux que le peuple envahi. Qui est donc la population envahie ?

Franz-Olivier Giesbert ne parle pas des « chrétiens arabes palestiniens ». Mais nous sommes persuadés qu’il ne faut voir là qu’un oubli qu’il va s’empresser de rectifier dans la prochaine édition d’Actualité Juive. Oubli d’autant plus important à corriger qu’ils sont, ces chrétiens palestiniens, cette fameuse population envahie par les Arabes. Ceux qui ont fait de la Palestine une terre essentiellement chrétienne pendant six siècles, ce jusqu’à la conquête musulmane.

Restent, pour préserver un peu de la judaïté de la Palestine, par l’occupation du sol, les quelques juifs qui sont parvenus à s’y accrocher. Leur nombre a beaucoup varié avec le temps. À la fin de la période mamelouke, le chercheur israélien Yaron Ben Naeh (1) ne parle que de quelques centaines de familles juives, pour la plupart installées dans les villes. Pire, au lendemain des Croisades, en 1267, Nahmanide (2) n’en trouva que deux à Jérusalem.

Aussi, jusqu’à la fondation de l’État d’Israël en 1948, et même encore maintenant, avec la meilleure volonté du monde, nous apparaît-il difficile de dire que la Palestine est une terre exclusivement juive.

On pourrait croire sans importance ces rappels historiques. Ils sont en fait primordiaux car l’Histoire, manipulée et travestie, sert aujourd’hui d’alibi aux uns et aux autres pour se donner le droit de chasser des gens, de chez eux.

Pour le reste, concernant les amabilités de Giesbert sur les journalistes du Monde, nous le laissons en débattre avec eux. Nous nous offrons même comme témoin dans le cas où ils viendraient à en découdre sur le pré par un petit matin frais.

Notes

(1) In « Histoire des relations entre juifs et musulmans » écrit sous la direction d’Abdelwahab Meddeb et de Benjamin Stora.
(2) Haute personnalité juive de l’Aragon (1194-1270). Informations du « Dictionnaire encyclopédique du judaïsme » Cerf-Robert Laffont.