Fondée en 1921, l’ancien orphelinat de la police s’appelle aujourd’hui Orphéopolis. Association loi 1901, l’institution est placée sous le haut patronage de la Présidence de la République depuis 1947. Sa mission consiste à aider, voire prendre en charge, les orphelins de policiers. Dans trop de cas elle doit faciliter la reconstruction des enfants, en particulier quand le père ou la mère sont tombés en service. Fin 2013, date de l’enquête citée plus bas, elle accompagnait 200 orphelins.
Comme beaucoup d’associations oeuvrant dans le domaine caritatif, Orphéopolis bénéficiait de la reconnaissance « d’intérêt général ». Ce titre permettait à ses donateurs de décompter de leurs impôts un montant correspondant à 66% de leurs largesses. Un avantage important accordé pour inciter les contribuables à soutenir des associations rendant des services éminents au pays.
Pourtant, l’année dernière, tout basculait. Dans un rapport daté de juillet 2015, la Cour des comptes contestait que l’Orphéopolis puisse jouir de la reconnaissance « d’intérêt général ». Elle décrétait en effet que « cette mutuelle qui fonctionne au profit des orphelins de policiers agit statutairement au profit d’un cercle restreint de personnes ». Pour la Cour
des comptes, l’Orphéopolis n’entre donc pas dans la définition de la notion « d’intérêt général ». Résultat, ses donateurs perdent la réduction fiscale dont ils bénéficiaient…
L’attribution du titre « d’intérêt général » n’est pourtant pas très restrictif. D’après la liste du ministère de l’Intérieur, on compte 1939 structures associatives reconnues d’utilité publique.
Parmi elles, bien sûr, MSF (Médecins Sans Frontière) ou la Croix rouge. D’autres, cependant, nous semblent d’un intérêt très peu général. Par exemple l’« Aéro-club de l’Aisne » qui s’est donné pour mission « de créer et maintenir un centre de relations amicales, propager, stimuler le goût de l’aviation, créer une émulation, résoudre les différents problèmes ». Ou « l’Association amicale des anciens élèves du Lycée
de Banville », à Moulins, qui a pour raison d’être d’« établir entre ses membres un centre de relations amicales en leur procurant les moyens de se revoir ». Quelques exemples parmi d’autres d’associations à l’utilité peu évidente qui mériteraient l’intérêt de la Cour des comptes avant les orphelins de la police.
Encore convient-il de ne pas attribuer la responsabilité de cette sévérité mal placée à la seule Cour des comptes. En effet, après publication des conclusions de cette dernière, « le ministre chargé du Budget peut, par arrêté publié au Journal officiel, suspendre tout avantage fiscal » à l’association concernée. Mais il peut aussi adresser « un rapport motivé au premier président de la Cour des comptes », pour lui faire part de la décision prise de ne pas suivre les conclusions de la Cour.
On voit qu’il n’en a rien été. Refusant d’user de bon sens, le ministre du Budget, le gouvernement auquel il appartient avec lui, se sont rendus à l’esprit de la bureaucratie.
Le blâme le mieux mérité revient au ministre de l’Intérieur, défenseur naturel des forces de police dont il a la charge. Mieux que d’autres, il sait quels risques pèsent sur elles, en ces temps de délinquance et de terrorisme. Or, sachant leurs enfants protégés si eux tombent sous les balles, les policiers n’en seront que plus déterminés, face aux terroristes et aux truands.
Inhumanité, mépris du sacrifice accompli et mauvaise gestion tout semble être réuni dans la décision malheureuse de retirer son avantage fiscal à Orphéopolis.