Archives mensuelles : mai 2018

Un ex zadiste de Notre-Dame-des-Landes témoigne

Jean-Luc ancien Zadiste

L’homme a une cinquantaine d’années, il s’appelle Jean-Luc et a fait un choix de vie. Épris de liberté et cherchant une vie saine, il est en marge du « système ». Aujourd’hui, il sillonne l’Europe mais s’est attaché plus particulièrement à la Bulgarie. Il gagne sa vie en exerçant ses talents dans le domaine agricole, utilisant des techniques bios. Respectueux des préférences des autres et ne demandant rien à l’État, son mode de vie nous apparaît respectable. Au lendemain de l’opération menée par les forces de l’ordre pour chasser de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes les derniers réfractaires, la publication de cette interview nous a paru à propos.

Un zadiste à Notre dame des Landes, Non à l'aéroport

Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Le mot d’ordre: Non!

 

Au printemps 2013, ses pas l’ont porté vers la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Juste après l’opération César, menée par les forces de sécurité pour tenter de restaurer l’autorité de l’État sur le secteur. Côté étatique, cela avait été un échec, tout en laissant un fort traumatisme aux zadistes témoigne Jean-Luc.

Zadiste…une vie « alternative »

Écolo dans l’âme, il a été immédiatement happé par cette vie « alternative ». Il y voyait la concrétisation de ses espérances. Alors, sans rien demander, il s’est jeté à corps perdu dans l’aventure. « Les premiers six mois, avoue-t-il, j’ai vécu le rêve. Puis mes yeux se sont progressivement ouverts et j’ai pris conscience de la réalité ».

Zadiste et zadistes

« Dans la ZAD, continue-t-il, on rencontrait un peu de tout. Des paysans, comme moi, qui cherchaient à mettre en œuvre des techniques de culture respectueuses de l’environnement, mais aussi des gens aux idées confuses sans aucune expérience de la terre. Des groupes s’étaient aussi installés, dont des végans qui refusent la consommation de viande et l’utilisation des produits animaux comme le cuir, des anarchistes ou des féministes. Les féministes n’étaient même pas d’accord. D’un côté, il y avait la Maison rose, plutôt LGBT, de l’autre les femmes qui refusaient la mixité, vivaient entre elles et interdisaient toute présence masculine dans leur parcelle ».

D’autres pourraient même représenter un danger pour la société.  « On trouvait aussi ceux que l’on appelle les Punks à chiens, des jeunes qui affectionnent les tenues de Punks et s’affichent avec des chiens. On en voit dans les villes. J’avais néanmoins de bonnes relations avec eux. On voyait aussi passer des gens identifiés aux Black Blocs qui ne restaient cependant pas sur place  ».

Des décisions difficiles à prendre

On comptait une vingtaine de lieux de vie. Les cultivateurs en avaient trois : les Fosses noires, la Ferme de Bellevue et les 100 Noms. «  Entre tous ces groupes, les décisions étaient difficiles à prendre, poursuit Jean-Luc. D’abord il fallait discuter longtemps, toujours dans un contexte conflictuel, chaque tendance cherchant à s’imposer sur les autres, de plus réclamant tout et son contraire. Je me souviens d’une histoire qui s’est terminée en tragédie. Un cheval nous avait été donné. Il avait été laissé libre, sans même un enclos, pour respecter sa condition animale. Il buvait les restes de bière. Problème, il y avait un if dans la ZAD, dont la verdure est toxique pour les chevaux. Quelqu’un a proposé de couper l’arbre. Mais les défenseurs des végétaux s’y sont opposés. Un jour le cheval a été pris de convulsions. Il avait probablement goûté du branchage de l’if. Personne ne s’en est inquiété. Un témoin direct m’a raconté que cela avait duré un bon moment, avant que lui-même n’appelle un vétérinaire. Il a fallu  euthanasier la  pauvre bête ».

Désabusé, notre zadiste s’en va

À cela s’ajoutait l’alcoolisme de certains, un usage habituel de drogues dures pour d’autres. Même si, précise Jean-Luc, « il ne faut pas généraliser ». En fait, la ZAD était devenue une zone de non droit.

L’homme l’admet, « si des gens de valeur étaient présents, d’autres n’étaient que des profiteurs et des paresseux. Pire, quelques-uns s’étaient même fait une spécialité de dépouiller les nouveaux venus. L’atmosphère me pesait de plus en plus. Il était devenu évident à mes yeux que, faute d’un minimum d’organisation, aucun projet ne pouvait faire souche. Alors j’ai fini par partir ».

Iran et Israël, des frères ennemis

L’Iran attaque Israël qui répond

Dans la nuit du 9 au 10 mai, Israéliens et Iraniens se sont attaqués les uns aux autres, dans le Golan et  sur le territoire syrien. Certes, Téhéran se défausse des tirs de roquettes sur la Syrie. Mais sans vraiment convaincre. Cette montée de la tension entre Israël et l’ Iran a des origines plus profondes que la presse ne nous le dit.

L’animosité irano-israélienne

On tend à réduire l’animosité entre les deux pays à des pulsions religieuses émanant de l’Iran. C’est oublier l’essentiel : la relation ancienne entre leurs deux cultures, remontant à la Perse et à l’Israël biblique, d’une part, la concurrence stratégique entre l’Iran et l’État moderne d’Israël, d’autre part.

La déportation des Hébreux à Babylone

Souvenez-vous ! Au VIe siècle av. J.-C., Nabuchodonosor, roi de Babylone, emmenait les Hébreux en déportation chez lui. A peine cinquante ans plus tard, les Perses s’emparaient de la Babylonie. Comme ils l’ont souvent fait en tant que minorité agissante, ceux que l’on appelait encore les Hébreux se sont alors associés aux vainqueurs.

Ces derniers avaient avec eux en commun de pratiquer une religion monothéiste, le zoroastrisme. Les futurs juifs ont alors enrichi leur propre croyance de préceptes zoroastriens. Parmi ceux-ci, l’idée de « messie » et le jugement dernier. Puis les exilés perdirent l’habitude de parler hébreu pour adopter l’araméen. Une autre langue sémitique qui, s’étant généralisée en Mésopotamie, servait d’idiome véhiculaire entre les peuples vaincus et leur dominateur.

Proximité entre Perses et Hébreux

Devenu des intermédiaires entre la population et le pouvoir perse, les juifs jouissaient d’une grande proximité avec lui. On en a le témoignage à travers le geste de l’empereur achéménide, Cyrus, qui versa de sa cassette personnelle une partie de l’argent nécessaire à la reconstruction du premier temple de Jérusalem détruit par les Babyloniens. Le fait est rapporté par la Torah qui attribue, de manière un peu excessive, le titre de messie à Cyrus.

Cette proximité s’exprima aussi à la guerre. Dans la querelle qui opposa l’empire de Byzance aux Sassanides, la nouvelle dynastie d’empereurs perses, la plupart des juifs prirent fait et cause pour ces derniers. Ainsi, quasi ignoré chez nous, de 614 à 617 après J.-C., les juifs parvinrent-ils brièvement à se réinstaller à Jérusalem grâce à la Perse *.

Les Perses soumis par les Arabes, se convertissent à l’Islam

Cependant, avec l’avancée arabe, au VIIe siècle, les Perses à leur tour étaient soumis. Sous la contrainte, ils se retrouvèrent convertis à l’islam. Avec le temps, ils optèrent pour le chiisme, moyen de se différencier de leurs vainqueurs et de manifester leur esprit rebelle. Mais l’ancienne religion zoroastrienne gardait une discrète emprise. Culturellement, bien que très minoritaire, elle est encore présente dans la République des mollahs. Ainsi le « Nao Rouz », le nouvel an de la tradition persane, est-il toujours célébré en Iran.

Plus significatif : les anciens mages, les prêtres de la religion zoroastrienne, se sont glissés dans les structures dirigeantes de la nouvelle croyance, important nombre de leurs traditions et, originalité par rapport au sunnisme, imposant même un clergé hiérarchisé.

Sans doute la proximité du judaïsme et du chiisme avec le zoroastrisme explique-t-elle les ressemblances perceptibles entre la pensée talmudique et l’ « ijtihad », l’exégèse islamique, telle qu’elle est pratiquée par les religieux chiites.

Ces filiations et cette histoire commune ont fait des Irano-perses  et des Judéo-israéliens des peuples très proches dont des pans entiers de la culture se ressemblent. Mais la création d’Israël allait remettre en question cette relation historique.

 

L’ Iran et Israël en compétition pour dominer les Arabes

Shimon Pérès et Benyamin Netanyahu

Benyamin Netanyahou et Shimon Peres.

L’État juif s’est construit dans la logique de la supériorité face aux Arabes. Dans la volonté aussi de les dominer. L’Iran est dans la même démarche. Par chance pour les Arabes, après avoir hésité sous le shah, au lieu de s’unir l’Iran et Israël ont choisi la compétition.

Khameneï; guide suprême de l' Iran

L’Imam Ali Khamenei et le défunt Ali Akbar Rafsandjani.

 

La différence est dans l’approche. Quand l’Iran se sert de la religion chiite, qu’il associe à sa stratégie politique, Israël s’appuie beaucoup plus sur la force militaire et l’économie. Mais l’Iran et Israël se veulent, chacun de leur côté, le maître exclusif du Moyen-Orient

Des proxys pour s’affronter…

Jusqu’ici, les décideurs des deux pays évitaient de s’affronter directement. Ils se contentaient d’envolées rhétoriques et utilisaient des proxys : le Hezbollah du Liban, par exemple pour l’Iran, et les Kurdes d’Irak ou de Syrie pour Israël. Mais la passion s’empare des esprits et en chasse l’esprit de prudence des grands stratèges. Alors, de raids perpétrés en Syrie en roquettes tirées sur les régions contrôlées par Israël, les deux camps se cherchent. Comme deux bandes de sales gosses qui voudraient en découdre mais sans trop oser. Ils ont besoin d’un peu plus de colère pour ça, d’un beau massacre d’un côté ou de l’autre, pour lâcher leurs meutes.

Des raids directs en Syrie

Les attaques de la nuit du 9 au 10 mai 2018, les roquettes tirées par les Iraniens, visaient les lignes de défense israéliennes du plateau du Golan. Elles n’ont pas fait de victime. De plus, la partie du Golan visée, certes déclarée territoire israélien par la Knesset, n’est pas reconnue comme telle par la communauté internationale. Ce n’est donc pas vraiment une attaque contre Israël. Quant à la réponse israélienne, elle aurait fait 8 morts de nationalité iranienne. Il en faut plus aux ayatollahs de Téhéran qui ont toujours manifesté une certaine insensibilité à la mort de leurs troupes.

Cependant, le danger est là. On sent quelques-uns qui s’échauffent tant chez les Gardiens de la Révolution iranienne que dans le cabinet de Netanyahou.

Chaque camp se croit sûr de maîtriser la situation, de l’emporter à la fin sur l’autre. Toutes les guerres sont faites de ce genre d’illusions. En fait, elles se terminent toujours par la destruction, au moins l’appauvrissement, des belligérants. Le recours aux armes est le moyen le plus primitif, et finalement le moins efficace, d’étendre son influence. Dites-le à Téhéran et à ceux de Tel-Aviv qui se croient à Jérusalem…

* « Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme » collection Bouquins, page 1139.

 

Fascisme aux États-Unis? Madeleine Albright hurle au loup

Danger fasciste aux Etats-Unis selon Madeleine Albright Donald Trump ferait peser le danger du fascisme sur les Etats-Unis

Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’Etat et autrefois ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, vient de publier un livre : « Fascism : a warning » (« Fascisme : un avertissement »). Son ouvrage apparaît en fait comme un réquisitoire contre Donald Trump. Sans prendre la défense de ce dernier, les propos tenus par la Dame de fer américaine sont néanmoins un peu excessifs. Il convient de se souvenir avec quelle fureur (pardon le mot m’a échappé) elle a poussé à la guerre contre la Serbie en 1999.

Sa définition du fascisme…

Il lui fallait néanmoins définir le terme « fascisme » pour inclure Trump dans sa problématique puisque, de près ou de loin, il n’a jamais appartenu à un parti de cette obédience.

Couverture du livre "Fascism a warning", Le Fascisme, un avertissement par Madeleine Albright

Couverture du livre , Le Fascisme, un avertissement

« Un fasciste, dit-elle, est quelqu’un qui prétend parler au nom de toute une nation ou de tout un groupe, il est totalement désintéressé des droits des autres et il veut utiliser la violence ou n’importe quel autre moyen nécessaire pour atteindre les buts qu’il vise ».

réquisitoire contre Trump

Nous ne sommes pas sûrs que cette définition corresponde bien à Trump, finalement un sanguin sans idéologie, sinon celle de l’Amérique traditionnelle, qui hésite entre pragmatisme et coups de tête.

En revanche, nous voyons cette caricature de personnalité bien correspondre pour les leaders communistes et, certes, fascistes. Mais aussi, avouons-le pour un homme comme Benyamin Netanyahou. En effet, quand nous lisons le fasciste « totalement désintéressé des droits des autres » et voulant « utiliser la violence  (…) pour atteindre les buts qu’il vise », on ne peut s’empêcher de penser au Premier ministre israélien et à sa conduite à l’égard des Palestiniens.

Sans doute Madeleine Albright n’a-t-elle même pas pensé à la portée de son propos. Normal : comme le dit la Torah et le répète l’Évangile : « Tu vois la paille dans l’œil de ton voisin mais pas la poutre qui est dans le tien ».

Maintenant, quant à parler d’un danger fasciste aux États-Unis, dans le sens politique du terme, c’est ridicule. Le fascisme passe par la confiscation des trois pouvoirs identifiés (législatif, exécutif et judiciaire) par un homme ou un parti. Les institutions existant aux États-Unis ont montré leur capacité de résistance. Y compris avec Trump qui se voit obligé de composer avec elles.

En clair, Madeleine Albright, membre de l’intelligentsia américaine, surtout de la Commission trilatérale et du CFR (Council on Foreign Relations) est une mondialiste confirmée. Ce n’est pas le fascisme qui lui fait peur mais le risque que sa caste perde son influence sur le reste du monde.

Au Mali, Daech massacre de Touaregs

Des brigands massacrent des Touaregs

Selon le porte-parole du MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad), Mohamed Ag Albachar, une bande de brigands a attaqué le campement d’Aklaz, le 26 avril, et celui d’Awakassa, le 27 avril, dans la région de Menaka au Mali. Au total, d’après ses propos, 43 personnes ont été tuées dont les âges s’étalent de 7 ans à 58 ans.

Qui est le MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad)?

Le MSA est un groupe armé touareg, rallié au gouvernement de Bamako. Il est dirigé par Moussa Ag Acharatoumane et travaille à assurer le retour au calme au Mali tout en défendant l’identité touarègue.

Les populations attaquées à Aklaz et Awakassa appartiennent à l’ethnie des Idaksahak ou Daoussahak qui sont rattachés à la nation touarègue.

Carte de l'Azawad, territoire des Touareg

L’Azawad, le territoire d’implantation des Touareg

Les assaillants, des brigands en quête de butin, se réclament de Daech

Pour Ag Albachar, le porte-parole cité, les attaquants sont motivés par la recherche de butin de guerre. Ils sont constitués d’un mélange de Peulhs, de Touareg et d’Arabes. Le mélange d’ethnies est caractéristique des groupes qui se constituent à des fins de brigandage. Néanmoins, les hommes de ce groupe se réclament de l’idéologie de Daech (l’Etat islamique) donnant ainsi une coloration idéologique à leurs attaques.

Les Peulhs…

L’appartenance peulhe de plusieurs des attaquants nous fait cependant réagir. Les Peulhs et les Idaksahak ont en effet une longue histoire conflictuelle, les uns et les autres cohabitant avec leurs bêtes sur des pâturages proches. D’autre part, les Peulhs, du Sénégal jusqu’au nord du Nigeria, ont formé historiquement l’avant-garde de l’avancée islamique dans la région sahélienne. Usman Dan Fodio, fondateur du sultanat de Sokoto (au Nigeria), était lui-même un Peulh.

Les Peulhs gardent l’orgueil du rôle joué dans la conversion des populations de la région à l’islam. On trouve donc chez eux un terrain favorable au recrutement pour le compte d’Al-Qaïda ou de Daech.

L’instabilité de la région

A cela s’ajoute les conditions d’instabilité propres à la région sahélienne. Nous les avions évoquées dans un article publié par le « Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001 » ( Le Niger en otage). Cet article écrit en décembre 2011 après un déplacement au Niger, envisageait le problème à l’échelle de l’ensemble du Sahel.

Déjà, à nos yeux se posaient trois problèmes à régler :

  1. La montée de l’islamisme radical.
  2. L’omniprésence du banditisme alimenté entre autre par le transit de la drogue vers l’Europe.
  3. La nécessité de trouver une solution à la question touarègue dans l’équité mais aussi dans le respect du droit.                   

Aujourd’hui, grâce à l’intervention des autres pays du Sahel et en association avec les Français, ont a évité la naissance d’un émirat islamiste au Mali. Néanmoins, les moyens engagés ne suffisent pas pour assurer la sécurité de pays grands comme plusieurs fois notre pays.

La problématique des touareg reste en suspend

D’autre part, l’alliance franco-africaine n’a pas su régler la question touarègue. La solution à l’insécurité dans le Sahel ne passe-t-elle pas par une meilleure responsabilisation des chefs d’ethnies ? Sans doute aussi par la mise en place d’une véritable police du désert, comme nous l’avions fait avec les méharistes pendant la période coloniale. Les solutions trouvées à l’époque coloniale ne sont pas toutes mauvaises.