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Les Russes du FSB ont-ils infiltré Daech?

Le rapatriement soit disant humanitaire des femmes et enfants de Daech cacherait-il une opération secrète du FSB russe ?

Dans le courant de l’année 2016, un informateur m’avait affirmé les services russes du FSB infiltrant massivement des Tchétchènes dans Daech (l’État islamique). Je ne pouvais rien vérifier. De plus, il pouvait s’agir d’une opération de renseignement contre Daech qu’il valait mieux ne pas éventer. Pour ces deux raisons j’avais préféré me taire.

La Tchétchénie dans le coup

Néanmoins, nous apprenons par voie de presse que la Tchétchénie a mis sur pied un programme de rapatriement des femmes et enfants des combattants de Daech ( « Le Monde » du 12 juillet dernier). Officiellement, depuis le 25 août 2017, une centaine de femmes et d’enfants ont ainsi été rapatriés. La Tchétchénie, République constitutive de la fédération de Russie, ne saurait agir sans l’aval de Moscou qui, du reste, ne se cache pas de soutenir l’initiative.

Bombardemenrs russe en Syrie- Victimes civiles

Evacuation de victimes de bombardements russe dans la Ghouta orientale en Syrie

À en croire les Russes et le régime tchétchène, ce programme de rapatriement aurait des motivations humanitaires. Le prétexte invoqué n’est pas convainquant quand on voit l’acharnement mis par l’aviation russe à bombarder les villes syriennes en rébellion,.

Ne s’agirait-il pas plutôt de s’assurer le retour et la loyauté des agents infiltrés chez Daech en ayant leurs femmes et enfants sous contrôle ? Pour éviter que, pris de colère contre leurs commanditaires du FSB pour avoir été sacrifiés, ils ne révèlent leurs missions ?

Pour en savoir plus sur le FSB, lire l’article publié par Pierre de Villemarest sur le site du Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001:    L’espionnage russe mis à jour

Guerre de l’information en Syrie

Les Américains ont-ils affrété des avions d’Azerbaïdjan pour armer les ultra radicaux islamistes en Syrie?

La chute d’Alep aux mains du régime syrien…

Tout commence à Alep en décembre 2016. Une journaliste d’une trentaine d’années envoyée par le journal bulgare « Trud », Dilyana Gaytandzieva, est en reportage sur place. On est alors dans le contexte de la chute de la ville aux mains du régime de Bachar Al-Assad.

dilyana-Gaytanzieva devant une caisse de munitions- Alep, Syrie

Dilyana Gaytanzieva dans les entrepôts à Alep

Des éléments proches de l’appareil d’État conduisent Dilyana sur le site de neuf entrepôts souterrains d’armes dans l’est d’Alep. Certaines caisses portent des étiquettes établissant que ces armes viennent de Bulgarie. La jeune femme filme les lieux et les documents.

Des entrepôts abandonnés et des armes financées par les Américains en provenance de Bulgarie

Point qu’elle ne peut avoir inventé, quand elle rédige son papier, elle affirme que ces entrepôts appartenaient au mouvement Al-Nosra, le groupe affilié à Al-Qaïda, avant la chute d’Alep. Néanmoins, elle ne donne aucune preuve. Elle semble, pour soutenir cette affirmation, s’être contentée des déclarations des représentants du pouvoir syrien ou de ses proches.

De retour en Bulgarie, des informations lui parviennent par enchantement

Dilyana avait eu la chance d’être amenée dans les entrepôts souterrains à Alep.
De retour en Bulgarie, le sort lui est à nouveau favorable. Des âmes généreuses bien qu‘anonymes lui donnent des copies de documents émanant de communications entre les autorités bulgares et l’ambassade d’Azerbaïdjan à Sofia.

C’est du lourd ! Il s’agit de demandes de couverture diplomatique pour des avions de la compagnie aérienne azerbaïdjanaise « Silk Way » afin de transporter des armes.

Demande d’exemption de contrôle

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Copie du document « Exemption de contrôle », cargaison qui aurait atterri en Syrie

Le document ci-contre, l’un des nombreux publiés, est une exemption de contrôle « pour le transport de marchandises dangereuses » accordée par les autorités bulgares. Elle est au nom de la compagnie « Silk Way » pour un vol allant de KJFK (aéroport John F. Kennedy de New York) à UBBB (aéroport international Heydar Aliev de Bakou, Azerbaïdjan) puis ORBI (aéroport international de Bagdad, Irak) (1). Le vol était programmé pour le 28 mai 2017.

Des munitions américaines destinées au gouvernement irakien

Plus important, l’affréteur ou envoyeur est « Chemring Ordnance INC, USA », un fabriquant de munitions américain. Le ministère irakien de l’Intérieur apparaît comme le destinataire.  En clair, cela signifie que les États-Unis ont fourni des munitions au gouvernement irakien qui combat Daech (l’État islamique) dans le nord du pays.

Certes, l’opération n’est pas facile à expliquer d’un point de vue politique. Les autorités irakiennes sont en effet très liées à l’Iran avec lequel les États-Unis sont en délicatesse.

Néanmoins, dans le cadre de l’intervention alliée contre Daech, l’armée américaine collabore sur le terrain avec l’armée irakienne. Il n’y a donc rien d’étonnant dans cette livraison de munitions.

Confirmant la véracité de ces transports d’armes vers le Moyen-Orient, une ONG américaine a elle-même publié un rapport. Il s’agit de l’OCCRP (2) (Organized Crime and Corruption Reporting Project).

Dans un rapport non daté qui ne peut pas remonter avant juillet 2016, on lit : « Le BIRN (3) et l’OCCRP  ont identifié 68 cargos aériens (dont 50 confirmés comme transportant des armes et des munitions et 18 supposés tel) de Serbie, de Slovaquie, de Bulgarie et de la République tchèque à destination de trois fournisseurs clés des rebelles syriens : l’Arabie Saoudite, la Jordanie et les Émirats arabes Unis. Quelques-uns de ces vols se sont arrêtés en Europe centrale et en Europe de l’est avant de poursuivre leur route vers le Moyen-Orient ».  Dilyana parlait de 350 vols, au cours des trois dernières années, mais n’évoquait que la compagnie « Silk Way ». 

Sur un tableau, figurent bien, parmi les noms des transporteurs, celui de « Silk Way », mais aussi ceux de « Ruby Star Airways », compagnie la plus citée basée à Minsk en Biélorussie, de « National Airlines », d’Orlando aux États-Unis, de « TransAVIAexport Airlines », autre société biélorusse, ou d’ « Air Cargo Global », sous couleurs slovaques.

Obama lui aussi livrait des armes aux rebelles syriens…

Ce n’est cependant pas une révélation que les Américains livrent des armes aux rebelles syriens. Ils le disent officiellement depuis 2013, quand la décision a été prise par Barack Obama. Donald Trump a du reste annulé ce programme en juin dernier. Sa décision a été rendue publique le 19 juillet 2017.

Citant des officiels américains, le « Washington Post » a évoqué « l’intérêt de M. Trump à trouver des moyens de travailler avec la Russie » car cette dernière, précise le journal, « considérait ce programme anti-Assad comme une agression contre ses intérêts ».

Le fond du problème: à qui étaient destinées les armes envoyées vers la Syrie?

Or, on s’en doute, ces armes ne pouvaient qu’emprunter un itinéraire tordu. Un peu comme celui utilisé par les Russes pour armer le Vietminh, pendant la guerre du Vietnam, ou les Iraniens aujourd’hui pour approvisionner en missiles le Hezbollah.

Il n’y a donc rien de nouveau dans les faits connus. Tout est dans la formulation : les Américains disent avoir armé les « rebelles syriens » dits modérés. Dilyana, notre journaliste bulgare, elle, affirme autre chose. Elle parle « d’armes fournies aux terroristes en Syrie » par les États-Unis (4).

Dilyana n’a sans doute pas l’expertise nécessaire pour évaluer la situation

Elle appuie son propos sur le fait que les armes qu’elle a vues à Alep auraient appartenu à la branche syrienne d’Al-Qaïda. Mais, comme nous l’avons compris plus haut, sans donner de preuves. Ou bien elle se contente de la parole de ses guides, comme nous l’avons aussi précisé plus haut forcément liés au régime syrien. Ou bien elle reprend la terminologie des maîtres de Damas qui qualifient de terroristes les rebelles en faveur d’un système démocratique.

Certes, on ne peut éliminer la possibilité d’une livraison cachée de la CIA à un groupe terroriste. Mais ce n’est qu’une possibilité.

En outre, Dilyana oublie une alternative. Si la  branche syrienne d’Al-Qaïda était bien la propriétaire de ces armes, elle pouvait aussi les avoir prises à des groupes de rebelles modérés. Le propos de la journaliste, évoquant des « armes fournies aux terroristes », apparaît comme un raccourci, voire pire, comme le résultat très possible d’une désinformation dont elle aurait été la première victime.

La presse Internet reprend aveuglément l’interprétation biaisée de Dilyana sans aucune vérification ni réflexion

S’il y a volonté d’influencer l’opinion à travers Dilyana, de la part de manipulateurs, avouons qu’ils ont bien réussi leur coup. La presse Internet contestataire, de droite comme de gauche, a repris goulûment l’idée évoquant « les livraisons d’armes aux terroristes » par les Américains.  

L’affaire pouvait s’arrêter là, mais c’est mal connaître le manque de grandeur, additionné d’un sens de la prudence confinant à la lâcheté, de la presse occidentale dans laquelle se range désormais celle de la Bulgarie. Le 24 août dernier, Dilyana annonce qu’elle a été licenciée de sa publication après avoir été interrogée le même jour par les services de renseignement bulgares. Les méthodes communistes étant révolues en Bulgarie, avouons qu’elle s’en sort bien !

Les médias Internet, eux, s’en donnent à cœur joie. Maintenant ils titrent : « Une journaliste virée après avoir révélé des livraisons d’armes occidentales aux terroristes en Syrie » (5). La grande presse se tait. Comme les autorités américaines du reste.

Bien sûr, tout cela n’est pas facile à expliquer. Mais, à se taire, on amplifie l’impression d’une partie croissante du public que tout se décide dans son dos. Aux yeux de l’opinion, à moitié vraie, cette réalité devient alors la vérité absolue.

Dans l’affaire ci-dessus, se retrouvent principales victimes ceux qui se sont battus pour une Syrie libre des islamistes et du régime des Assad. En tirent profit ce régime et sans doute les Russes. Au Moyen-Orient, la Syrie est devenue l’épicentre d’une guerre de proxys entre Washington et Moscou. Trump ne peut échapper à cette dynamique. Les pays européens parviendront-ils a éviter le pire? Le vote de la résolution 2373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, pour le renouvellement du mandat de la FINUL, révèle qu’ils ont encore leur mot à dire. A cette occasion, pour une fois, les Français ont bien joué.

Notes

  • (1) Dans les documents aériens officiels, les aéroports internationaux sont désignés sous un code.
  • (2) Au passage, signalons que l’OCCRP est financée entre autres par l’US-AID et le  Département d’État américain.
  •  (3) Birn : « Balkan Investigative Reporting Network » (Réseau balkanique de reportages d’investigation). Cette organisation est largement soutenue par des financements émanant de pays occidentaux.
  • (4) Nous nous appuyons sur son message daté du 24 août 2017.
  • (5) Mediapart, 5 septembre 2017.

Anna l’espionne retournée dans le froid « Au service de Poutine »

Les temps changent en Russie ! On n’envoie plus des espions qui ont fait échouer leur mission en Sibérie. Anna Kuschchenko pourra vous le dire.
Anna Kuschchenko en couverture de magazine

« L’agent 90-60-90 » comme on l’appelle en Russie reprenant les chiffres de ses mensurations. Sacré Poutine !

Aujourd’hui on la voit partout sur les couvertures des magazines russes en porte-jarretelles et soutien-gorge, le flingue à la main, parodiant les James Bond Girls. Elle est devenue la coqueluche de la presse en égérie du FSB, l’héritier du KGB. Poutine a le sens de la communication.

Tout a commencé pour Anna sous l’Union Soviétique. Son père, officier du KGB, l’impressionnait beaucoup avec ses gardes du corps et ses voitures à vitres fumées. Pendant ses études, suivant les traces de son paternel, elle a reçu une formation à la centrale du renseignement soviétique.

Puis, à 19 ans, elle est partie à Londres pour améliorer sa pratique de l’anglais. Appliquant avec brio les méthodes des agents de l’Est, elle a harponné un étudiant britannique, Alex Chapman, pour convoler avec lui. Dans la meilleure des traditions, elle divorçait six mois plus tard… mais gardait la nationalité britannique et le nom, Anna Chapman.

Grâce à cette couverture et à sa jolie frimousse, la rouquine incendiaire commença sa carrière d’espionne Outre-Manche. Puis, à la fin de l’année 2009, à l’âge de 27 ans, elle était envoyée à New York pour rejoindre une équipe d’espions russes chargés d’approcher les hautes sphères des États-Unis afin de soutirer des renseignements.

Pour appâter les poissons, Anna fut nommée à la tête d’une agence immobilière haut de gamme. Là, elle fit d’abord des miracles. Un ancien officier des Marines spécialisé dans les communications cryptées est tombé dans ses bras. Puis c’était le tour d’un riche homme d’affaires au courant des investissements stratégiques du pays.

Du boulot de pro ! Une fois par semaine, elle se rendait dans un café Starbuck de Manhattan ou dans une librairie de Greenwich Village. Là, elle se mettait en liaison par Wifi avec un autre officier du FSB et lui envoyait son rapport sous forme sécurisée.

Les officiers du contre-espionnage américain ne sont pas complètement idiots. Ils finirent par deviner anguille sous roche. Prenant Anna en filature, ils remarquèrent ses visites hebdomadaires à la délégation russe des Nations Unies. Comprenant son jeu, ils montèrent un piège pour la démasquer.

Tout alors bascule ! La tactique employée est tellement grossière qu’Anna se laisse prendre. Dans un centre commercial, un homme lui tend un faux passeport américain et lui dit : « Remettez-le à vos contacts ! » Elle est filmée mais bien sûr ne le sait pas. Elle aurait dû refuser le document et prendre ses distances du provocateur. Naïvement, dirons-nous, elle empoche le passeport.

Tout le réseau tombe, mais quelque temps plus tard, les espions russes sont échangés contre des américains pris sur le sol russe. Vladimir Poutine en personne les reçoit chez lui. Il accroche si bien avec Anna qu’il l’emmène faire une petite excursion dans son sous-marin privé.

La carrière de la jeune femme est lancée. Elle pose en décolleté pour l’Agence spatiale russe. Ses tenues s’allègent de plus en plus sur les couvertures des magazines. Puis elle donne naissance à un bébé. Mais on ignore le nom du père. L’aventure n’est pas finie !

UN GOUVERNEMENT AU SERVICE D’ISRAËL ?

Le 11 février, un nouveau gouvernement nous tombait sur la tête. Enfin, nouveau jusqu’à un certain point : le Premier ministre ne change pas. Sur 39 membres, seulement 13 sont des arrivants, en outre surtout parmi les secrétaires d’État. Un détail semble-t-il important aux yeux de nos décideurs, on compte exactement 19 femmes pour 19 hommes. Un véritable gouvernement de parité, comme on dit, même si le CV de certaines de ces dames apparaît bien peu étoffé à la rubrique « activités professionnelles ». Nous avons aussi relevé la participation de neuf membres du corps enseignant, allant du simple instituteur et directeur d’école primaire, pour Jean-Marc Todeschini, jusqu’au maître de conférence, dans le cas de Patrick Kanner, en passant par le prof d’allemand, métier exercé par Jean-Marc Ayrault. Quand même neuf enseignants sur un gouvernement de 39 membres, cela fait 25% des effectifs. Comme si certains éléments de cette profession n’en avaient pas déjà assez fait en démolissant l’Éducation nationale !

On ne compte que cinq nouvelles têtes parmi les ministres : Jean-Marc Ayrault, Jean-Michel Baylet, Emmanuelle Cosse, Jean-Jacques Urvoas et Audrey Azoulay. Encore en est-il deux bien connues : Ayrault, ancien Premier ministre de François Hollande, et Azoulay qui exerçait pour ce dernier des fonctions de conseiller.

Pourquoi ces menus changements ? Bien sûr, il fallait remplacer Christiane Taubira. Hollande ne pouvait surtout pas garder Laurent Fabius. Au détour d’un article, le très informé « Actualité Juive » nous explique la raison de l’évincement de Fabius et de la promotion d’Ayrault : « Jean-Marc Ayrault devrait accorder davantage d’attention au dossier européen que son prédécesseur qui avait fait du Moyen-Orient et de la conférence-climat ses priorités, avec une réussite variable ».

En clair, pour « Actualité Juive », Fabius se mêlait de ce qui ne le regarde pas, le Moyen-Orient. Il est vrai qu’il avait promis de relancer le dialogue israélo-palestinien et menacé de reconnaître l’État palestinien si ses démarches n’aboutissaient pas. On a compris, Ayrault, plus souple, a reçu la consigne de ne plus embêter les Israéliens avec ce dossier qui sent le soufre.

« Actualité Juive » va plus loin. « Si les efforts de M. Fabius ont contribué à sceller un accord sur le programme nucléaire iranien et sur la lutte contre le réchauffement climatique, sa position dans la crise syrienne – « ni Assad, ni Daech » – a été contestée pour son irréalisme et a fini par être battue en brèche par l’exécutif dans les derniers mois de l’année 2015 ».

Sur un ton neutre, l’hebdomadaire de la communauté parle de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Or, avec l’État hébreu dont il soutient systématiquement les positions, il a critiqué avec véhémence la conclusion de ce dossier. En revanche, l’attaque est claire quant à la politique syrienne menée par Fabius au nom de la France. L’option « Ni Assad, ni Daech » est présentée comme « irréaliste ». Pour les Israéliens comprenons-nous. Mais cela semble aussi annoncer un changement de la politique de la France en Syrie.

Concernant les Israéliens, tout d’abord, les naïfs s’étonneront de leur choix. Ne pas soutenir la politique « Ni Assad, ni Daech » revient à choisir l’un contre l’autre. Un soutien à Daech apparaissant impossible, on conclut aisément que la solution préconisée consiste à s’allier à Bachar contre Daech. Comme par hasard la stratégie proposée par la Russie.

 

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Notre sort se joue aussi en Syrie

Nous l’avons déjà dit, la guerre en Syrie ne se limite plus, depuis longtemps, à deux belligérants. Elle est tripolaire et, de plus, compliquée par l’intervention de nombreux intervenants extérieurs : l’Iran, la Turquie, le Qatar, et autres pays arabes, la Russie et les États occidentaux. Sur trois camps, deux sont infréquentables :

Celui de Daech (le dit État islamique) et celui du régime de Damas, dirigé par la famille Assad. Ces deux camps ont tellement commis d’atrocités, que les laisser s’emparer du pouvoir ou le conserver en Syrie revient à livrer le peuple de ce pays à des bouchers.

Reste le troisième camp, que l’on identifie à l’ASL (Armée syrienne libre), formée de déserteurs de l’armée régulière et de volontaires, souvent des jeunes gens dont les amis et les proches sont morts sous les balles du clan des Assad pendant les manifestations pacifiques de 2011.

Dieu sait que nos médias et la télévision du Qatar, Al Jazeera, avaient alors célébré le courage et la légitimité de ces jeunes Syriens en quête de « démocratie » [même si nous leur en offrons chez nous un modèle essoufflé]. Quelques aides ont été accordées pour les soutenir dans ce qui est devenu une guerre civile. Elles ont été trop souvent détournées par des chefs politiques peu scrupuleux, plus soucieux de s’enrichir que de fournir le nécessaire aux combattants *.

Résultat, sur le terrain, les unités de l’ASL manquent de munitions et même de nourriture. Quelques-unes survivent évitant le contact avec l’ennemi faute de pouvoir combattre. D’autres ont cédé à la tentation et sont passées avec armes et bagages aux côtés de Daech qui leur donne tout ce dont ils ont besoin grâce à l’argent du pétrole volé dans les zones de production. L’Occident et les pays arabes sont largement responsables de la dégradation de la situation. Conséquence perceptible : on tend à croire chez nous qu’il n’y a plus que deux camps. Vision de la réalité qui sert Bachar Al-Assad et ses sbires, les faisant passer aux yeux de certains pour des partenaires acceptables.

SI NOUS LAISSONS FAIRE…

Si nous laissons faire, nous assisterons à une bipolarisation totale du conflit syrien. L’ASL et ses relais politiques disparaîtront, absorbés par Daech ou par le pouvoir. La Syrie sera réduite à deux entités, l’une gouvernant à l’ouest, avec à sa tête Damas, l’autre à l’est, dominée par les radicaux islamistes.

Les Syriens auront perdu toute chance de retrouver une vie normale. Des deux côtés, il leur faudra accepter la dictature. En revanche, Daech et Damas sauront trouver un accord, fut-il temporaire, pour se partager le pays. Les prédateurs ont toujours su se ménager entre eux pour survivre.

Dans un tel cadre, pas d’espoir pour les réfugiés de rentrer au pays. Ils demeureront donc un poids pour les pays voisins : la Turquie, la Jordanie et principalement le Liban. L’expérience vécue avec les Palestiniens devrait pourtant nous servir de leçon : la colère engendre la violence et le faible, pour répondre, recourt le plus souvent au terrorisme.

À cela s’ajoute un autre problème, la tension montante entre sunnites et chiites, entre les Arabes et l’Iran. Nous avons droit à une avant-première au Yémen, quand nous voyons les Arabes former une alliance et lancer une offensive contre les chiites Houthis qui ont pris le pouvoir à Sanaa, par la force, à la majorité sunnite. Que ce scénario prenne place en Syrie et nous assisterions à une collaboration de fait entre Daech et un nombre croissant de pays arabes : simplement pour contrer les chiites et parce que l’ASL ayant été absorbée par ses deux adversaires, il n’y aurait plus d’autre partenaire sur le terrain auquel s’allier.

S’estimant menacé, l’Iran risquerait d’intervenir massivement aux côtés de ses alliés. À cela près que ce pays se verrait surclassé militairement, le rapport de forces jouant contre lui (voir l’encadré). Risquant ses dernières cartes, avec sa marine, il bloquerait l’entrée du Golfe arabo-persique, par où transite 40% du pétrole que nous consommons. L’Europe serait prise à la gorge et obligée de soutenir les Arabes pour assurer les approvisionnements en or noir. Nous entrerions alors dans une conflagration internationale…

Pour lire la suite de cet article demandez l’Echelle des Valeurs  d’avril 2015.

Ce numéro sera envoyé en échange de 2 timbres.

Ecrire à:

Alain Chevalérias
39, rue des Faubourgs
10130 Marolles sous Lignières

 

* À titre d’exemple, un responsable qui avait reçu un chèque d’un pays arabe a immédiatement « investi » l’argent dans l’achat de deux restaurants à Dubaï.